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Focus sur l’expertise amiable : le rôle des médecins – Novembre 2015

L’expertise médicale est un acte médical qui a pour objectif principal de répondre à une série de questions et d’évaluer le dommage corporel d’un blessé en fonction d’une mission d’expertise, qui varie selon le cadre juridique dans lequel elle se situe.

Des principes directeurs président à l’expertise, parmi lesquels figure celui du contradictoire. L’adjectif « contradictoire » qualifie le fait qu’au cours d’un procès, chacune des parties a été mise en mesure de discuter à la fois l’énoncé des faits et les moyens juridiques que ses adversaires lui ont opposés. Le principe du contradictoire est un principe fort de notre droit et il s’applique dans toute procédure, qu’elle soit civile, administrative, pénale… Indispensable à tout processus d’indemnisation, ce principe s’applique quel que soit le cadre de l’expertise médicale, amiable ou judiciaire.

Nous nous intéresserons ici plus spécifiquement à l’expertise médicale amiable dans le cadre de la loi du 5 juillet 1985, 95% des victimes étant indemnisées hors des prétoires, le législateur ayant mis l’assureur au cœur du dispositif afin de permettre l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et l’accélération des procédures d’indemnisation.
Nous verrons ici les spécificités des expertises simple et conjointe.

1. LE CADRE DE L’EXPERTISE

A. L’expertise « simple »

L’expertise est dite simple ou unilatérale lorsqu’elle est réalisée par un seul médecin expert librement désigné par l’assureur. C’est régulièrement le cas dans les expertises dites « Badinter ».

L’expert devra répondre aux questions qui lui sont posées dans la mission, avec compétence et diligence, en respectant les délais imposés par la loi. Il se doit d’accueillir et d’écouter dans un climat de courtoisie confraternelle le médecin assistant la victime.

B. L’expertise conjointe

L’expertise conjointe communément appelée « amiable et contradictoire » est caractérisée par le fait que les deux parties – victime et assureur du responsable conviennent de donner mission chacune à un médecin de leur choix, qui doivent se rencontrer afin d’évaluer conjointement le dommage corporel, et proposer, lorsque cela est possible, des conclusions communes.

2. LE DÉROULEMENT DE L’EXPERTISE

Rappelons que la mission d’expertise 2009 de l’AREDOC (Mission AREDOC, mise à jour en 2014), commune à tous les assureurs, fixe le cadre de la préparation de l’expertise et de l’examen dans ses points 1 à 10 en développant les questions sur la situation personnelle et/ou professionnelle de la victime, l’étude des pièces médicales, les doléances, la réalisation de l’examen clinique, etc. Les points 12 à 20 étant consacrés à l’évaluation des postes de préjudices.

A. L’examen clinique

L’examen clinique est l’un des piliers de l’expertise et il revêt une importance primordiale ; il doit être réalisé de façon minutieuse et complète. Pour respecter la dignité et l’intimité de la personne examinée, la table d’examen doit être suffisamment isolée.

Le médecin assistant la victime est bien évidemment présent à l’examen clinique. En revanche, il est d’usage que les personnes non médecins n’assistent pas à l’examen clinique. Ainsi, la présence de l’avocat est légitime pendant l’interrogatoire, l’exposé des antécédents, des doléances et la discussion, mais doit être remise en question au moment de l’examen clinique.

Ainsi la Cour d’appel de Paris (Cour d’appel de Paris, 16 janvier 2014, n°12/10575) a récemment admis que les médecins experts peuvent refuser la présence de l’avocat à l’examen clinique : « la cour ne peut pas juger que l’expert ait commis un manquement à ses devoirs en refusant la présence de l’avocat lors de l’examen corporel». Par conséquent, en l’espèce, l’expert ne peut être « remplacé », comme le prévoit l’article 235 du Code de procédure civile.

Ce raisonnement a été confirmé par un arrêt de la même cour du 16 avril 2015 (Cour d’appel de Paris, 16 avril 2015, n°14/08324).

Rappelons à ce sujet également, la position de la commission médicale de l’ordre des avocats du barreau de Marseille qui mentionne à l’article 3 de son VADEMECUM (Fait à Marseille le 1er juillet 2013, présenté au colloque « Réussir l’expertise médicale regards croisés : avocats/magistrats/experts/assureurs ») que « L’expert procède à l’examen clinique de la victime hors la présence des avocats de façon à protéger le secret médical relativement aux constatations étrangères à l’expertise et de façon à assurer la protection de l’intimité de la vie privée de la personne examinée. A l’issue de l’examen, les parties elles-mêmes ne peuvent être écartées du débat qui s’instaure pour répondre aux questions de la mission ».

A l’issue de l’examen clinique, il est nécessaire de présenter à la victime une synthèse en langage clair et précis incluant tous les renseignements essentiels pour la compréhension de la situation et s’assurer que tout a été dit et compris.

B. La discussion

Aux termes de l’article R.211-43 du Code des assurances, la victime peut se faire assister par un médecin de son choix lors de l’examen médical. Dans ce cas, l’expert désigné par l’assureur doit entendre tous les arguments développés par ce médecin sur l’imputabilité, l’évaluation médico-légale et sur certains points particuliers.

1. L’expertise simple

L’expert doit recueillir les doléances et avis émis par la victime et le médecin qui l’assiste. Il n’est nullement tenu de communiquer ses conclusions au médecin assistant la victime. Il appartient à chacun des médecins de rédiger un rapport de conseil à son donneur de mission. Il n’y a donc pas à rechercher un accord sur les conclusions médico-légales.

Dans le cas où la victime se présenterait uniquement avec un avocat, le médecin devra écouter les propositions que fera cet avocat au nom de son client.

2. L’expertise conjointe

L’expertise conjointe vise à échanger sur l’évaluation du dommage de la victime basée en particulier sur un bon examen clinique et une discussion d’imputabilité. Si les deux médecins reçoivent mission de rechercher un accord sur les conclusions, ils n’ont cependant pas l’obligation de le trouver.

En effet, l’objectif de cet examen n’est en aucun cas d’aboutir à une transaction médicale, la transaction étant réservée aux juristes chargés de l’indemnisation.

Par ailleurs, si la rédaction d’un rapport commun entre les médecins est possible, voire souhaitable, elle n’est pas obligatoire.

• En cas d’accord sur les conclusions

Si les médecins sont d’accord sur les conclusions médico-légales, qu’elles soient provisoires ou définitives, ils pourront établir des conclusions communes et cosigner le rapport.

• En cas de désaccord sur les conclusions

Si l’accord ne peut se faire (par exemple en cas d’appréciation différente sur l’imputabilité, d’avis divergents sur le diagnostic de l’état séquellaire, ou encore de désaccord sur les conclusions médico-légales proprement dites), les raisons du désaccord doivent être clairement explicitées.

Chaque médecin devra donner ses conclusions et les arguments permettant de les proposer. Les médecins pourront alors soit rédiger un seul rapport en indiquant les points de vue de chacun, soit établir deux rapports distincts.
Pour conclure, la victime doit pouvoir, à la lecture du rapport d’expertise, reconnaître ses blessures et ses séquelles.

C. L’envoi du rapport

1. L’expertise simple

Dans le cadre de la loi Badinter, l’article R.211-44 du Code des assurances dispose « … le médecin adresse un exemplaire de son rapport à l’assureur et à la victime et, le cas échéant, au médecin qui a assisté celle-ci ». Le rapport est envoyé dans un délai de 20 jours à compter de l’examen médical.

2. L’expertise conjointe

En cas d’expertise conjointe et de rapports séparés, chaque médecin enverra son rapport à son donneur de mission avec les éléments nécessaires à la compréhension des données médicales.

Désignation de l’expert et rôle de chacun en expertise

La loi n’a imposé à l’assureur du responsable aucun critère pour la désignation de l’expert chargé de l’examen médical. Ce dernier est choisi par l’assureur pour sa formation spécifique aux techniques de l’expertise en évaluation du dommage corporel.

Ces médecins diplômés, reconnus pour leur compétence dans ce domaine, figurent sur des listes propres à chaque société d’assurances, et le cas échéant sur une liste commune. Ce sont des médecins indépendants ayant une activité libérale et intervenant à la demande et sur mission.

La récusation de cet expert est possible dans les cas prévus par l’article 234 du Code de procédure civile.

Le rôle du médecin expert d’assurance

Deux composantes essentielles :

• Humaine et relationnelle, en tant qu’interlocuteur privilégié, et intermédiaire obligé entre assureur et victime ; la qualité de son accueil, de son écoute, les conditions de son expertise sont fondamentales dans l’aboutissement ultérieur d’un règlement amiable.

• Technique, dans l’évaluation du dommage corporel et la rédaction du rapport d’expertise.

Le rôle du médecin de recours

Lorsqu’un médecin est chargé d’assister une victime, il doit connaître son dossier, l’avoir examinée avant l’expertise ou tout au moins avoir eu avec elle un contact suffisamment significatif visant à expliquer le déroulement des opérations. 

C’est aussi le rôle du médecin de recours d’aider la victime à constituer son dossier médical complet, en lui expliquant, le cas échéant, les moyens légaux pour recueillir toutes les pièces nécessaires.

Le rôle de l’avocat de victimes

Il lui appartient de transmettre les pièces médicales à l’expert avec un bordereau numéroté et daté.

Il convient de rappeler que l’expertise est un lieu d’échange pour aboutir à l’évaluation médico-légale la plus juste possible du dommage sur lequel le médecin doit se prononcer, la transaction indemnitaire se faisant après l’évaluation, entre juristes.

Focus sur l’expertise amiable : le rôle des médecins