La nomenclature des postes de préjudice de la victime directe : Bilan 2022
PRÉAMBULE
En 2010, la COREIDOC (Commission de Réflexion sur l’Évaluation et l’Indemnisation du Dommage Corporel au sein de l’AREDOC), publiait une brochure sur « La nomenclature des postes de préjudice de la victime directe, bilan 2010 » afin de fournir des indications pratiques sur la nomenclature Dintilhac à partir des réflexions menées par cette commission, mais surtout de l’étude de la jurisprudence rendue depuis la publication de cette nomenclature.
Cette brochure a fait l’objet d’une actualisation régulière à partir de 2016, disponible sur le site de l’AREDOC.
En 2022, l’AREDOC a mis à jour sa mission d’expertise ainsi que ses commentaires en accès libre, afin d’accompagner les médecins dans leur exercice expertal. Outre une modification de la partie portant sur la préparation à l’expertise, l’actualisation de la mission a également suivi les évolutions jurisprudentielles afin de demeurer la meilleure traduction médico-légale de la nomenclature et de son application par les magistrats depuis 2005. Cette mission et ses commentaires, rédigés par des médecins pour des médecins, ont pour objectif d’amener l’expert à rédiger un rapport descriptif, documenté, clair et argumenté, décrivant le dommage et rien que le dommage permettant ainsi au juriste d’en déduire tout le préjudice.
Il apparait indispensable d’actualiser, également, les éléments contenus dans ce document donnant les règles indemnitaires des préjudices issus de la nomenclature Dintilhac appliquée par la jurisprudence.
L’AREDOC maintient la distinction dommage/préjudice. En effet, l’AREDOC dissocie le dommage, envisagé comme l’atteinte objective et les préjudices, envisagés comme les répercussions subjectives de l’atteinte, telles qu’elles sont effectivement perçues par la victime.
Au médecin, l’évaluation du dommage et au juriste la réparation de l’ensemble des préjudices. Une distinction que l’on retrouve au cœur de tous les travaux de réflexion menés dans notre discipline. C’est ainsi qu’en 2003, le groupe de travail présidé par Yvonne Lambert-Faivre adoptait cette distinction dans le rapport présenté au Ministère de la Justice : la notion de dommage corporel (fait constaté et médicalement évalué par le médecin-expert) et celle de préjudices (éléments juridiquement évalués et chiffrés par le juriste) : « Le ‟dommage” relève du fait, de l’événement qui est objectivement constatable, et qui demeure au-delà du droit. (…) ».
De même, dans la nomenclature Dintilhac on peut lire : « Le groupe de travail a essayé de retenir une nomenclature simple et équitable. Il a notamment repris à son compte la distinction avancée par le rapport Lambert-Faivre entre le ‟dommage” qui relève de l’élément factuel et le ‟préjudice” qui relève du droit et exprime une atteinte aux droits subjectifs patrimoniaux ou extra-patrimoniaux subie par la victime ».
La proposition de loi n° 678 du 29 juillet 2020 portant réforme de la responsabilité civile opère d’emblée cette distinction à l’article 1235 du Code civil : « Est réparable tout préjudice certain résultant d’un dommage et consistant en la lésion d’un intérêt licite, patrimonial ou extrapatrimonial ».
Il ne s’agit pas de créer une frontière étanche entre le dommage et le préjudice, mais bien au contraire de clarifier le rôle de chacun et favoriser la complémentarité nécessaire des différents acteurs de la réparation du dommage corporel.
L’étude portera donc sur les postes de préjudice de la victime directe tels qu’ils sont appliqués par les juges. Les membres du groupe de travail Dintilhac soulignaient dans leur rapport « que cette nomenclature, qui recense les différents postes de préjudice corporels, ne doit pas être appréhendée par les victimes et les praticiens comme un carcan rigide et intangible […] il demeure indispensable de laisser une place importante à l’office du juge qui est seul habilité à reconnaître au cas par cas l’existence de tel ou tel poste de préjudice ».
Dix-sept ans plus tard, la Cour de cassation reste toujours aussi fidèle à la structure même de cette nomenclature ainsi qu’à ses définitions, tout en la faisant évoluer lorsqu’elle l’estime nécessaire. C’est ainsi qu’elle a pu consacrer des postes de préjudice dans des cas spécifiques tels que le préjudice d’anxiété des victimes de l’amiante ainsi que le préjudice d’impréparation, sanction du devoir
d’information du professionnel de santé en responsabilité médicale.
Cette brochure conserve l’architecture de la nomenclature en fournissant une actualité de sa jurisprudence.