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Lettre de la COREIDOC n° 18 – Le préjudice sexuel (PS)

Bref historique

L’autonomie du préjudice sexuel a été actée dans les années 90 à la suite de plusieurs arrêts de la Cour de cassation (Cass. crim., 18 novembre 1992, n° 91-86.672 ; Cass. 2ème civ., 6 janvier 1993, n° 91-15.391 et Cass. 2ème civ., 5 janvier 1994, n° 92-12.185).

Définition Dintilhac

« Ce poste concerne la réparation des préjudices touchant à la sphère sexuelle. Il convient de distinguer trois types de préjudice de nature sexuelle :
– le préjudice morphologique qui est lié à l’atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi ;
– le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l’accomplissement de l’acte sexuel (perte de l’envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l’acte, perte de la capacité à accéder au plaisir) ;
– le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer (ce préjudice pouvant notamment chez la femme se traduire sous diverses formes comme le préjudice obstétrical, etc..) ».

Aspect médico-légal

Il appartient au médecin de ne pas se contenter des doléances spontanées de la victime mais, la parole étant souvent délicate dans ce domaine, de l’interroger sur les troubles sexuels découlant de l’accident.
En cas d’atteinte morphologique, celle-ci doit être validée par des arguments cliniques, relevant de la technique médicale et documentée par des examens complémentaires comme les échographies, des bilans biologiques, des bilans urodynamiques ou des bilans vasculaires.

Compte tenu des composantes du poste tel que décrit dans la nomenclature Dintilhac, il convient de distinguer deux types de situations :

En présence de séquelles avec une atteinte urogénitale comme l’ablation d’un organe, une atteinte neurologique, un fracas du bassin, celles-ci sont alors évaluées par un taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique (AIPP) spécifique. Le médecin accompagnera ce taux d’un descriptif des conséquences éventuelles sur la réalisation et l’accomplissement de l’acte sexuel et sur la fonction de reproduction.

En cas d’absence d’atteinte urogénitale, les doléances sont essentiellement relatives à la réalisation de l’acte sexuel. La séquelle présentée, par exemple une limitation de l’amplitude articulaire, peut, dans certaines situations, générer une difficulté lors de la réalisation de l’acte sexuel qui reste cependant possible. Le médecin se prononce sur sa réalité en rappelant que cet aspect est pris en compte dans le taux d’AIPP proposé au titre des      « conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours ».

Aspect indemnitaire

Pour mémoire, rappelons que le préjudice sexuel temporaire est pris en compte dans le déficit fonctionnel temporaire (Cass. 2ème civ., 11 décembre 2014, n° 13-28.774).

En ce qui concerne le préjudice sexuel après consolidation, il convient, à l’instar de la distinction faite au niveau médico-légal, de dissocier le préjudice morphologique du préjudice lié à l’acte sexuel lui-même :

En cas d’atteinte morphologique : Le régleur indemnise au titre du déficit fonctionnel permanent le préjudice morphologique consécutif à l’atteinte aux organes sexuels que le médecin aura traduit par un taux d’AIPP.

Ensuite, le régleur apprécie l’intensité du préjudice éventuel résultant des troubles liés à la réalisation de l’acte sexuel et évalue l’indemnité correspondante en fonction :

  • des doléances exprimées par la victime,
  • des descriptions faites par le médecin et de son avis motivé sur la réalité du dommage,
  • des données personnelles de la victime (âge, situation familiale, conditions habituelles de vie, etc…).

Et le cas échéant, le régleur prend en considération l’éventuel préjudice spécifique à caractère moral consécutif à une atteinte de la fonction de reproduction selon la situation personnelle de la victime (âge, situation familiale, nullipare, primipare, multipare, conditions de vie, etc…).

En cas d’absence d’atteinte morphologique : les doléances relatives à la réalisation de l’acte sexuel sont prises en compte dans le taux d’AIPP comme appartenant aux « conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours ». En effet, dans cette circonstance et sauf cas particuliers, il n’existe pas un préjudice spécifique et distinct touchant la sphère sexuelle qui soit dissociable.

Enfin, il ne faut pas confondre préjudice sexuel et préjudice d’établissement même s’il peut arriver que la jurisprudence « fusionne » l’indemnisation de ces deux postes. En revanche, de l’existence de l’un ne dépend pas systématiquement l’existence de l’autre.

Lettre n° 18 – Le préjudice sexuel