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Lettre de la COREIDOC n° 23 – Les préjudices permanents exceptionnels (PPE)

Bref historique

Le premier préjudice exceptionnel a été reconnu dès 1987 lors de la création d’un Fonds d’indemnisation spécifique pour les victimes d’attentats. L’indemnisation du préjudice spécifique a été également admis dans la Convention nationale pour l’indemnisation des victimes de l’explosion de l’usine AZF survenue le 21 septembre 2001 qui en a donné une définition : « Le « préjudice spécifique » est une souffrance supplémentaire durable, conséquence éventuelle du retentissement, sur la personne concernée, de l’aspect collectif du sinistre. Il est un chef de préjudice objectif, autonome et exceptionnel ».

En 2005, le groupe de travail Dintilhac reprend cette notion en créant le poste « préjudices permanents exceptionnels » qui a pour objectif de prendre en compte toutes ces situations dès lors qu’elles ne sont pas indemnisables par un autre biais.

Définition Dintilhac

« Lors de ses travaux, le groupe de travail a pu constater combien il était nécessaire de ne pas retenir une nomenclature trop rigide de la liste des postes de préjudice corporel. Ainsi, il existe des préjudices atypiques qui sont directement liés aux handicaps permanents, dont reste atteint la victime après sa consolidation et dont elle peut légitimement souhaiter obtenir une réparation. A cette fin, dans un souci de pragmatisme – qui a animé le groupe de travail durant ses travaux – il semble important de prévoir un poste « préjudices permanents exceptionnels » qui permettra, le cas échéant, d’indemniser, à titre exceptionnel, tel ou tel préjudice extra-patrimonial permanent particulier non indemnisable par un autre biais. Ainsi, il existe des préjudices extra-patrimoniaux permanents qui prennent une résonance toute particulière soit en raison de la nature des victimes (c’est notamment le cas pour la personne d’origine japonaise victime d’un dommage à la colonne vertébrale en France, qui est alors dépourvue de la faculté de s’incliner pour saluer, signe d’une grande impolitesse dans son pays d’origine), soit en raison des circonstances ou de la nature de l’accident à l’origine du dommage (il s’agit ici des préjudices spécifiques liés à des événements exceptionnels comme des attentats, des catastrophes collectives naturelles ou industrielles de type AZF) ».

Il existe deux grandes situations dans lesquelles la nomenclature retient l’existence d’un préjudice permanent exceptionnel :

  • Le préjudice exceptionnel d’une victime caractérisé par la résonance particulière sur le fait de la personne.

Il s’agit par exemple du père qui, amputé de plusieurs doigts à chaque main, ne peut plus dialoguer en langage des signes avec sa fille sourde. Ce type de situation est très exceptionnel, l’indemnisation ne doit donc pas faire double emploi avec une prise en charge au titre d’un autre poste de préjudice tel que le déficit fonctionnel permanent, la valeur du point d’AIPP ayant pu être majorée du fait de cette circonstance exceptionnelle par exemple (CA Bordeaux, 19 novembre 2008, n° 07/04847).

  • Les victimes d’accidents collectifs.

Il existe actuellement quatre décisions de cours d’appel (TGI de Saint-Nazaire, 11 février 2008 ; CA Rennes, 2 juillet 2009, n° 1166/2009 : effondrement de la passerelle du Queen Mary 2 ; TC Thonon les bains, 26 juin 2013 : catastrophe d’Allinges ; CA Aix-en-Provence, 30 juin 2016, n° 2016/290 : Crash YEMENIA AIRWAYS ; CA Lyon, 14 janvier 2016, n° 15/00516 : Fuite de Gaz Lyon) qui concernent uniquement des préjudices exceptionnels temporaires subis pendant l’accident traumatique.

Il n’existe pas de décision retenant un préjudice permanent exceptionnel lié à un accident collectif.

La question de la double indemnisation est au cœur des préoccupations de la jurisprudence, ce qui explique la limitation du préjudice permanent exceptionnel à des situations rares et atypiques.

Lettre n° 23 – PEP