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Lettre de la COREIDOC n° 25 – Le préjudice scolaire, universitaire ou de formation (PSUF)

Bref historique

Il convient de rappeler en préliminaire les efforts importants des pouvoirs publics en matière de scolarisation des enfants handicapés avec, notamment la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 et ses décrets d’application qui priorisent l’insertion de l’enfant malade ou handicapé en milieu ordinaire, si possible dans l’école de son quartier.

En juin 2017, le médiateur de l’Education Nationale a appelé au renforcement de l’inclusion des élèves handicapés en rendant son rapport annuel pour 2016. Il indiquait : « ses services ont reçu 12 053 saisines, soit 4% de plus qu’en 2015 et 30% de plus qu’en 2011 ».

Actuellement, plus de 350 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés, contre 155 000 en 2006. Parallèlement, on compte près de 56 000 auxiliaires de vie scolaire (AVS), désormais appelés « accompagnants des élèves en situation de handicap ».

En effet, comme l’énonce la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, « les enfants présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant, bénéficient d’un droit à la scolarisation au même titre que les autres élèves ».

Définition Dintilhac

« Ce poste de préjudice à caractère patrimonial a pour objet de réparer la perte d’année(s) d’études que ce soit scolaire, universitaire, de formation ou autre consécutive à la survenance du dommage subi par la victime directe.
Ce poste intègre, en outre, non seulement le retard scolaire ou de formation subi, mais aussi une possible modification d’orientation, voire une renonciation à toute formation qui obère ainsi gravement l’intégration de cette victime dans le monde du travail ».

Aspect indemnitaire

Ce poste de préjudice, qui s’apprécie in concreto, concerne l’enfant ou l’étudiant.

La nomenclature Dintilhac y intègre deux notions distinctes :

1 – La perte d’une ou plusieurs années d’études

Depuis la publication de la nomenclature Dintilhac, cet aspect du PSUF, déjà connu, a été repris par la jurisprudence à de multiples reprises. Cette perte d’année(s) d’études est généralement indemnisée forfaitairement.

L’indemnisation tiendra compte de la durée de l’incapacité temporaire, de sa situation dans le temps (vacances ou examens), des résultats scolaires antérieurs à l’accident (tout redoublement n’est pas imputable à l’accident), du niveau des études poursuivies, de la chance de terminer la formation entreprise.

CA Metz, 19 janvier 2017, n° 16/00571 : « Il ressort des pièces produites par l’appelant et spécialement des bulletins scolaires de son fils antérieurs à la date des agressions du mois de décembre 2012 […] que avant ces faits les notes et appréciations de son travail étaient tout à fait satisfaisantes et ne marquaient pas le désinvestissement et même le comportement inadéquat d’opposition reprochés ensuite à cet adolescent dès le mois d’avril 2013 […] ; Ce poste de préjudice sera indemnisé par l’allocation d’une indemnité de 3 000 € ».

CA Lyon, 28 mars 2017, n° 14/09834 : « Monsieur Maxime S. demande 20 000 € au titre de la perte de deux années d’études et d’une modification subie d’orientation. […] Les conclusions précitées permettent de caractériser un lien de causalité direct et certain entre l’accident du travail et la perte de l’année scolaire en cours et de celle effectuée à titre de tentative de redoublement conclue par un échec du fait des séquelles de l’accident.
Le préjudice scolaire subi par Monsieur S. doit donc être réparé à concurrence de 10 000 € par année scolaire perdue, soit 20 000 € à titre de dommages et intérêts ».

CA Bordeaux, 3 juillet 2017, n° 16/01843 : « Mme N. sollicite une somme de 80 000 € soit 10 000 € par an pendant huit ans, pour cinq années d’études secondaires perturbées et faisant valoir qu’elle aurait pu suivre des études supérieures.

Ce préjudice peut être retenu dans son principe, dès lors que la scolarité de la victime a été perturbée durablement après l’accident mais seulement, en raison de l’autorité de chose jugée, pour la période postérieure à la transaction du 17 mars 2008, soit à une date où elle avait 16 ans et était à l’institut médico pédagogique de Sarlat, puis en 2009 en IMPro ; il n’est pas acquis qu’elle aurait pu suivre des études supérieures et ses parents connaissaient à la date de la transaction l’incidence scolaire de l’accident sur les huit années postérieures, de sorte qu’en ne sollicitant pas une indemnisation au-delà du redoublement du CE1 dans les suites immédiates de l’accident, ils ont eux-mêmes considéré l’impact limité de l’accident sur le cursus de Aurélia N..

Il sera accordé, par réformation du jugement, une somme de 12 000 € ».

CA Reims, 3 janvier 2017, n° 15/00923 : « Il apparaît ainsi que M. L. ne rapporte pas la preuve qu’il a été empêché de poursuivre ses études au Creps de Reims à la rentrée 2010. En revanche, il ressort sans ambiguïté du courrier du directeur du Creps produit aux débats et du constat de l’expert médical que ses problèmes de santé, suite à son accident de février 2009, lui ont fait perdre son année scolaire 2008/2009. Il a donc bien subi un préjudice de formation, lequel sera compensé par l’octroi de la somme de 5 000 € qu’il sollicite ».

2 – Le changement d’orientation à caractère permanent

Il s’agit du changement auquel est contrainte la victime et donc la perte éventuelle de son souhait d’exercer telle ou telle profession voire l’impossibilité totale d’acquérir une formation du fait de l’accident.

Cass. 2ème civ., 18 mai 2017, n° 16-11.190 : « Mais attendu que l’arrêt retient que le préjudice scolaire ou universitaire indemnise la perte d’années d’études scolaires, universitaires ou de formation, consécutive à la survenance du dommage, que ce poste de préjudice intègre, en outre, le retard scolaire subi, mais aussi une possible modification d’orientation ; que M. X… s’était inscrit en faculté de médecine avant l’accident et qu’il a ensuite renoncé à poursuivre cette formation compte tenu de son handicap ; qu’il résulte, par ailleurs, du courrier du directeur des études de Sup’Biotech Paris que la victime a dû modifier son orientation en cours d’études après avoir constaté que son handicap ne lui permettait pas de faire face aux contraintes physiques de la filière recherche et développement ; Qu’en l’état de ces constations et énonciations, la cour d’appel, qui a indemnisé un préjudice universitaire constitué par les modifications successives d’orientation nécessitées par le handicap de la victime, non couvert au titre du livre IV du Code de la sécurité sociale, a légalement justifié sa décision ».

Ce préjudice peut être réparé sous la forme d’une perte de chance.

CA Chambéry, 5 octobre 2017, n° 16/01579 : « Il ressort, effectivement, des pièces produites que les nombreuses absences de M. V. l’ont fortement pénalisé pendant l’année scolaire 2007/2008, qu’il n’a pas obtenu son brevet en 2008 et qu’il a dû renoncer à s’engager dans un CAP serrurerie métallerie du fait des séquelles de l’accident. Le préjudice scolaire se décomposant en un préjudice de perte de chance de réussir au diplôme national du brevet et un préjudice de perte de chance de suivre une formation professionnelle est donc établi, peu importe que M. V. ait ensuite obtenu un bac professionnel dans une autre filière.
En conséquence, il y a lieu de confirmer le premier jugement en ce qu’il a indemnisé le préjudice scolaire subi par M. V. à hauteur de 3 000 € ». 

CA Lyon, 18 janvier 2018, n° 17/02174 : « Attendu, cependant, que s’il y a lieu, ainsi que le reconnaît la société …., d’indemniser la perte de l’année d’étude consécutive à l’hospitalisation de Mélanie K. à compter de la fin du mois d’octobre 2013 et aux arrêts de travail qui lui ont succédé jusqu’au mois de juillet 2014, il convient d’y ajouter le préjudice lié à son changement d’orientation ; qu’en effet le diplôme de BTS doit être obtenu en principe en trois années, et il n’est pas établi que Mélanie K. aurait bénéficié d’une dérogation pour redoubler une nouvelle fois ; qu’ensuite, le découragement qu’a pu lui causer un nouvel échec aux examens d’obtention du BTS, en relation avec la perte d’une année de scolarité quasi complète consécutive à l’aggravation de son état de santé, doit aussi être pris en considération pour évaluer son préjudice scolaire de formation, dans la mesure où il est à l’origine de sa réorientation ; qu’il y a donc lieu de réparer ce préjudice par l’allocation d’une somme de 20 000 € ».

CA Bordeaux, 18 mai 2017, n° 15/05162 : « Le montant alloué en première instance de 20 000 € sera confirmé en tenant compte du redoublement de l’année scolaire de 1ère débutée en 2007 et interrompue par l’effet de l’accident, de l’abandon de la filière scientifique et la réorientation en terminale en filière littéraire, la faiblesse des notes au premier trimestre de l’année scolaire 2007/2008 dans les matières scientifiques étant récente, pouvant tenir à un épisode dépressif passager et n’ayant pu être redressée du fait de l’accident, et enfin de l’échec en licence d’anglais espagnol qui a suivi ».

En ce qui concerne la modification d’orientation ou la renonciation à toute formation avérée, l’indemnisation s’analyse en fonction de la situation personnelle de la victime, conformément au principe de la réparation intégrale. Il convient de veiller à ce que ce préjudice ne soit pas indemnisé deux fois, par exemple, au titre du PSUF et des PGPF.

Ainsi, l’attribution d’une indemnisation au titre d’un PSUF a été refusée à une jeune femme en fin d’année d’études d’une école d’infirmière car l’indemnisation de sa perte de gains professionnels a été accordée en tenant compte de sa date d’arrivée théorique sur le marché du travail. Cette décision démontre qu’il ne saurait y avoir une double indemnisation (CA Douai, 23 octobre 2008, n° 05/01195).

Par ailleurs, il arrive que le juge alloue une somme unique pour réparer à la fois le préjudice résultant de la perte d’une chance de réussite aux examens (ou préjudice universitaire) et le préjudice professionnel qui en découle (Cass. 2ème civ., 8 avril 2004, n° 03-10.168). Dans ce cas, la victime indemnisée à ce titre ne saurait prétendre obtenir également une indemnisation au titre de l’incidence professionnelle. La Cour de cassation se montre ainsi vigilante quant à l’articulation des postes PSUF, IP et PGPF.

CA Aix-en-Provence, 11 janvier 2018, n° 2018/006 : « En dépit de son redoublement, Mme B. n’a pas été contrainte de modifier son cursus scolaire puisqu’elle a obtenu le diplôme qu’elle avait prévu de passer, à savoir un BEP de secrétariat et l’argumentation qu’elle développe tendant à établir que sans cet accident elle aurait pu faire des études supérieures et un métier plus intéressant que celui auquel elle est assignée à ce jour, relève de l’incidence professionnelle et ne peut être prise en compte au titre du préjudice scolaire. La cour entend donc requalifier partiellement cette demande ».

Lettre n° 25 – PSUF