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Lettre de la COREIDOC n° 26 – Les frais de véhicule adapté (FVA)

Bref historique

Ce poste correspond à l’ancienne dénomination du poste « frais d’aménagement du véhicule ».

Définition Dintilhac

« Ce poste comprend les dépenses nécessaires pour procéder à l’adaptation d’un ou de plusieurs véhicules aux besoins de la victime atteinte d’un handicap permanent. Il convient d’inclure dans ce poste de préjudice le ou les surcoût(s) lié(s) au renouvellement du véhicule et à son entretien.

En revanche, les frais liés à l’adaptation, à titre temporaire, du véhicule avant la consolidation de la victime ne sont pas à intégrer, car ils sont provisoires et déjà susceptibles d’être indemnisés au titre du poste « Frais divers ».

En outre, ce poste doit inclure non seulement les dépenses liées à l’adaptation d’un véhicule mais aussi le surcoût d’achat d’un véhicule susceptible d’être adapté.
Enfin, il est également possible d’assimiler à ces frais d’adaptation du véhicule, les surcoûts en frais de transport rendus nécessaires à la victime en raison de ses difficultés d’accessibilité aux transports en commun, survenues depuis le dommage ».

Aspect indemnitaire

Le chiffrage de ce poste de préjudice doit s’entendre seulement au sens de surcoûts :

• Celui lié à l’achat même du véhicule, par rapport à la valeur de celui dont se satisfait ou se serait satisfait la victime avant l’accident, auquel on ajoute le coût de l’adaptation. On tient également compte de la valeur de revente du véhicule au moment de son remplacement (Source : Référentiel indicatif de l’indemnisation du préjudice corporel des cours d’appel de 2016).

Ce préjudice peut être indemnisé sur devis, mais doit correspondre au besoin effectif.

Ainsi, la Cour de cassation, dans un arrêt du 2 février 2017 (Cass. 2ème civ., 2 février 2017, n° 15-29.527), a retenu « qu’ayant relevé, par motifs propres et adoptés, qu’à l’appui de sa demande, M. Simon X… se borne à produire une offre commerciale faisant état de l’acquisition d’un véhicule et de son aménagement sans que soit déterminé si cet aménagement concerne le poste de conduite ou le transport du passager, que M. Simon X… n’indique pas par quels moyens il se déplace actuellement ni si ceux qui le transportent utilisent un véhicule adapté ou pas, qu’au vu du rapport d’expertise, ses perspectives de réussir l’examen du permis de conduire sont inexistantes, de sorte qu’il ne pourra pas conduire de véhicule, même adapté, s’il demeure dans son état actuel, la cour d’appel, qui ne s’est pas fondée sur le seul fait que M. Simon X… ne justifie pas être en possession du permis de conduire, a rejeté la demande sans encourir le grief du moyen ».

L’expert médical doit se prononcer sur la nécessité d’un véhicule adapté, la victime pouvant conduire ou être transportée comme passager. Il est indispensable d’interroger l’expert sur la capacité de la victime à conduire, ce qui conditionne l’aménagement du poste de conduite.

Les aménagements nécessaires pourront être déterminés et chiffrés par un professionnel spécialisé (voir notamment point 17 de la mission droit commun spécifique aux handicaps graves générant une perte d’autonomie (cette publication est téléchargeable sur le site de l’AREDOC (www.aredoc.com)). C’est en effet au cas par cas que chaque dossier d’aménagement du véhicule doit être analysé à partir des séquelles de la victime et de son environnement. (Ex. : des séquelles au niveau du membre inférieur nécessitent un véhicule équipé d’une boîte automatique ou de commandes au volant).

Pour l’adaptation du véhicule, il faut penser à accorder, en sus du coût du renouvellement du véhicule, le coût du premier véhicule selon les mêmes modalités de calcul que celles appliquées pour les dépenses de santé futures.

D’après la publication « analyse des statistiques 2017 » du Comité des constructeurs français d’automobiles, l’âge moyen des voitures de circulation en France est de 8,9 ans. En effet, les voitures vieillissent mieux qu’avant, de par la qualité de leur construction. Par ailleurs, les modalités d’utilisation du véhicule peuvent varier selon les victimes.

De plus, il doit être tenu compte de la possibilité de revente du véhicule au bout de huit/neuf ans dans la mesure où il existe un marché de l’occasion du véhicule adapté.
On retiendra une évaluation prenant en compte les renouvellements des véhicules selon leur durée de vie prévisible.

CA Bastia, 13 janvier 2016, n° 10/00928 : « M. X… ne justifie pas de la somme de 2 500 € qu’il réclame pour faire installer une boule sur le volant de son véhicule, et une boîte automatique, mais cette somme n’est pas contestée par les parties. Il convient de retenir un amortissement du véhicule sur 7 ans, et non pas sur 5 ans, ainsi que l’a fait le premier juge, et un point d’euro de rente de 26,50 (sur la base du barème publié à la Gazette du Palais de mars 2013, avec un âge de 46 ans) ».

CA Aix-en-Provence, 1er février 2018, n° 12/08947 : « M. E. demande le coût d’achat d’un véhicule Berlingo qu’il a acquis en août 2012 avec une hauteur d’assise facilitant son installation dans l’habitacle, soit 18 748 41 €, et le coût des aménagements soit 11 420 €, et pour l’avenir l’indemnisation du surcoût annuel, tel qu’évalué par l’expert (amortissement 5 ans et capitalisation viagère).

M.E. est recevable à solliciter, en application du principe de réparation intégrale du préjudice, non pas l’indemnisation de frais d’acquisition d’un véhicule mais la différence entre le coût d’achat d’un véhicule plus spacieux nécessité par son état, ce qui est le cas en l’espèce, et celui d’un véhicule dont il se serait satisfait si l’accident ne s’était pas produit à laquelle s’ajoute le coût des frais d’aménagement du véhicule.

Le coût d’un véhicule similaire à celui de M. E. mais équipé d’une boîte automatique s’élève à 22 900 € et le coût d’acquisition d’un véhicule neuf standard de catégorie moyenne peut être fixé à 15 000 €.

Avec un renouvellement de ces équipements tous les 5 ans, conformément à l’accord des parties sur ce point, les frais de véhicule peuvent être fixés à la différence entre le coût d’un véhicule nécessité par l’état de la victime (22 900 €) et celui d’un véhicule standard (15 000 €) soit 7 900 € à laquelle il convient d’ajouter le surcoût lié à l’aménagement pour l’inversion des pédales (800 €) soit au total 8 700 € et donc une dépense annuelle de 8 700 € : 5 soit 1 740 € ».

La victime devra nécessairement établir la justification du besoin effectif et l’existence d’un surcoût.

CA Angers, 6 mars 2018, n° 16/00131 : « Il ne peut être retenu, sur la base de l’attestation et du document que Madame L. a elle-même établis qu’elle parcourt 30 000 km par an et doit renouveler son véhicule tous les 5 ans et non tous les 7 ans comme retenu par les premiers juges. Il convient en conséquence de confirmer le jugement ».

CA Colmar, 5 avril 2018, n° 208/2018 : « Au surplus, […], M. W. ne donne pas les éléments nécessaires au calcul de ce surcoût relativement à sa situation personnelle, qui dépend de son modèle de voiture à la date de l’aggravation ; il ne justifie d’ailleurs pas de ce que son véhicule était équipé d’une boîte de vitesse manuelle, ni de ce qu’il a dû acquérir une nouvelle voiture avec boîte automatique. Le rejet de cette demande sera en conséquence confirmé ».

CA Rouen, 6 décembre 2017, n° 17/00325 : « S’il n’est pas contesté que M. M. est dans l’obligation à la suite de l’accident de supporter le surcoût d’une boîte automatique, le calcul du demandeur approuvé par le premier juge n’est pas fondé dès lors que le véhicule détruit, qui était une Opel Tigra datant de plus de 12 ans, a été remplacé par un véhicule BMW X 3, nettement supérieur en gamme et mis en circulation sept ans auparavant.
Toutefois, en retenant un surcoût de 1 500 € pour l’achat d’un véhicule automatique et un changement de véhicule tous les sept ans, il convient d’évaluer ce préjudice à la somme de 9 000 €.
Le jugement entrepris sera donc réformé de ce chef ».

CA Reims, 31 janvier 2018, n° 16/00110 : « Monsieur V. demande 3 800  € […]. Il faut rappeler que ce poste indemnise le préjudice né de la nécessité d’adapter le véhicule de la victime à son handicap. C’est donc le surcoût généré par cet effort d’adaptation qui est indemnisé. Or, ce surcoût n’est pas démontré par les pièces du dossier. En l’état de ces pièces justificatives la cour n’a pas la preuve du coût ni du surcoût causé par la nécessité d’adapter le véhicule. La demande faute de preuve, doit être rejetée ».

Dans certains cas, du fait de la gravité de son handicap et de l’impossibilité de recourir à un simple aménagement, la victime devra acquérir un véhicule techniquement plus adapté à son handicap.
A l’instar de l’aménagement du véhicule, en cas d’acquisition, la prise en charge portera sur le seul surcoût résultant de la différence entre le coût d’acquisition et d’adaptation du nouveau véhicule et la valeur du véhicule actuellement en sa possession ou qu’il aurait normalement acquis en l’absence d’accident.

Pour ce faire, les juridictions retiennent le coût d’un véhicule standard qui oscille entre 15 000 et 20 000 €.

CA Versailles, 8 février 2018, n° 15/03620 : « En l’espèce, si M. B. doit pouvoir acquérir un véhicule adapté à sa situation, il disposera alors pour ce faire du montant de la vente de son véhicule muni d’une boîte manuelle, lequel montant doit être complété pour qu’il puisse s’acquitter du surcoût représenté par l’achat d’un véhicule d’occasion comprenant une boîte automatique. Le préjudice subi ne résulte que du surcoût lié à la présence d’une boîte automatique dans le véhicule. Il sera alloué à M. B. la somme de 5 000 € à ce titre ».

A noter, lorsque l’accident est un accident du travail dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime peut obtenir la réparation de ce poste de préjudice dès lors qu’il n’est pas couvert par le livre IV du Code de la sécurité sociale, et la décision du 18 juin 2010 du Conseil constitutionnel en impose alors la réparation intégrale (Cass. 2ème civ., 30 juin 2011, n° 10-19.475).

Lettre n° 26 – FVA