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Lettre de la COREIDOC n° 28 – L’assistance par tierce personne

Lettre ATP n° 28, Juin 2019

Bref historique

Aspect médico-légal

Une étape importante dans ce domaine a été franchie avec la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 qui donne une vision plus large du handicap par l’approche de ses conséquences. L’article L.114 du Code de l’action sociale et des familles (en application de la loi du 11 février 2005) définit le handicap de la manière suivante : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ».

L’aide humaine est un élément palliatif essentiel de la prise en charge du handicap, d’autant plus qu’il est depuis la loi envisagé dans ses dimensions « environnementale » et « sociétale ».

Définition Dintilhac

« Ces dépenses sont liées à l’assistance permanente d’une tierce personne pour aider la victime handicapée à effectuer les démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne. Elles visent à indemniser le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière définitive, d’une tierce personne à ses côtés pour l’assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d’autonomie. Elles constituent des dépenses permanentes qui ne se confondent pas avec les frais temporaires que la victime peut être amenée à débourser durant la maladie traumatique, lesquels sont déjà susceptibles d’être indemnisés au titre du poste Frais divers ».

Aspect médico-légale

  • Une perte d’autonomie nécessaire

Il est nécessaire qu’une perte d’autonomie soit constatée pour que la victime puisse bénéficier de l’assistance d’une tierce personne.

C’est ainsi que le commentaire du point 17 de la mission 2014 droit commun spécifique aux handicaps graves générant une perte d’autonomie (Mission droit commun spécifique aux handicaps graves générant une perte d’autonomie qu’elle soit d’origine locomotrice, neurologique, neurocognitive ou sensorielle, AREDOC, Décembre 2014, téléchargeable sur le site www.aredoc.com) rappelle qu’« être autonome, c’est avoir la faculté de se gouverner soi-même, la capacité de prévoir et de choisir, la liberté de pouvoir agir, accepter, refuser en fonction de son propre jugement. Il s’agit bien de la capacité à prendre des décisions : nous sommes dans le domaine du « vouloir faire ».

Être indépendant, c’est avoir la capacité de satisfaire ses besoins fondamentaux, d’effectuer seul les activités de la vie courante, qu’elles soient physiques, mentales, économiques ou sociales. Il s’agit bien de la capacité d’agir soi-même : on est dans le domaine du « pouvoir faire ». La dépendance se définit comme l’impossibilité totale ou partielle d’effectuer sans aide, qu’elle soit matérielle ou humaine, les activités de la vie quotidienne ou de s’adapter à son environnement. Le terme générique du point 17 concerne « la perte d’autonomie », reprenant ce qui figure dans le rapport « Dintilhac ». Ce terme doit être entendu de manière extensive c’est-à-dire comprenant également la « perte de l’indépendance ». Il s’agit bien pour l’expert d’évaluer l’état de dépendance, quelle qu’en soit l’origine, locomotrice, neurologique, neurocognitive ou sensorielle. Tous les moyens de suppléance doivent ensuite être décrits, aussi bien dans le domaine du « vouloir » que du « pouvoir » faire.

Il est précisé dans la mission que cette « perte d’autonomie doit être étudiée, que les victimes soient consolidées ou non. Dans la plupart des cas, plusieurs expertises seront réparties dans le temps ; elles dépendent de la nature du handicap et des conséquences qui en découlent. La première expertise, proche de l’accident, vise à préciser la gravité de l’atteinte et à tenter de prévoir l’évolution ultérieure. Très souvent, cette première expertise est réalisée à l’hôpital, en centre de rééducation, ou en centre de convalescence. La première question qui se pose est de savoir si un retour à domicile est envisageable ou si l’on se dirige vers une institutionnalisation viagère. Si le retour à domicile est envisagé, l’expert se doit de faire des propositions sur les conditions de ce retour, qui peut être temporaire (sortie en week-end par exemple) ou définitif. Le lieu de vie antérieur doit être décrit, dans la mesure du possible pour, dès la phase de rééducation, essayer de préciser s’il parait compatible avec le handicap du blessé. Les expertises intermédiaires permettent d’affiner le diagnostic, de mieux appréhender les séquelles et leurs conséquences. Elles permettent, en outre, d’aborder les moyens à mettre en œuvre pour tenter de redonner à la victime la plus grande autonomie et indépendance possibles et de trouver avec elle, sous réserve de son accord, la solution la plus pérenne pour ses projets.

L’expertise finale vise à l’évaluation définitive de l’état médico-légal et environnemental de la victime ».

Ainsi, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 28 février 2013 ((Cass. 2ème civ., 28 février 2013, pourvois n° 11-25.446 et 11-25.927 : – Gaz. Palais, 2013, n° 100-101, p.10-12 (note A. Bascoulergue).- Gaz. Palais, 2013, n° 116-117, p.25 (note M. Ehrenfeld)), a-t-elle précisé que « le poste de préjudice lié à l’assistance d’une tierce personne indemnise la perte d’autonomie de la victime restant atteinte, à la suite du fait dommageable, d’un déficit fonctionnel permanent la mettant dans l’obligation de recourir à un tiers pour l’assister dans les actes de la vie quotidienne. Doit être cassé l’arrêt de la cour d’appel qui ne constate pas que l’enfant avait présenté à la suite de l’accident un déficit fonctionnel réduisant son autonomie ».

Cette nécessité de perte d’autonomie est rappelée, par exemple, dans l’arrêt de la Cour d’appel de Poitiers du 25 janvier 2017 (n° 15/04822) : « Monsieur R. conteste le rejet de sa demande d’indemnisation au titre du besoin d’assistance d’une tierce personne maintenant que ce besoin était de 10 heures par semaine et ce, de sa sortie de l’hôpital, le 15 juillet 2010 jusqu’au 15 octobre 2011, soit durant 64 semaines.
Toutefois, le premier juge a relevé que ce poste de préjudice n’avait pas été retenu par le Docteur N. qui notait, au contraire, que Monsieur R. avait très rapidement voulu être autonome, qu’il n’avait passé que deux ou trois jours chez sa mère à sa sortie d’hôpital puis avait préféré rentrer chez lui. C’est donc à juste titre que la demande présentée de ce chef par Monsieur R. a été rejetée ».

 

  • Une perte d’autonomie imputable

En premier lieu, il est nécessaire de rappeler que, comme pour tous les autres postes de préjudice, il est indispensable de prouver l’imputabilité de la perte d’autonomie au fait dommageable, le rapport d’expertise prenant ici tout son sens comme mode de preuve.

Par un arrêt du 10 janvier 2018 (n° 16/02435), la Cour d’appel de Reims, pour rejeter la demande d’indemnisation de la victime au titre de son préjudice d’assistance par tierce personne, a jugé que :
« Ces éléments qui montrent qu’il a effectivement bénéficié d’une aide familiale liée à son état de santé, ne suffisent pas à établir que son état de santé résultant de l’accident du travail rendait nécessaire l’assistance d’une tierce personne pour les besoins de la vie quotidienne. Ces éléments sont en effet remis en cause par l’expertise ».

Par un arrêt du 14 mars 2018 (n° 16/02393), la Cour d’appel de Riom a rejeté la demande d’indemnisation d’une victime au titre de l’assistance par tierce personne « au motif que l’expert n’avait pas retenu ce chef de préjudice et que Monsieur B. ne rapportait pas de preuve de son existence ».

Par ailleurs, la victime « ne justifie d’ailleurs pas de l’emploi d’une tierce personne pour l’assister, alors que plus de six ans se sont écoulés depuis la consolidation, et que les sommes allouées en première instance, avec le bénéfice partiel de l’exécution provisoire, lui permettaient de faire face à une telle dépense, si elle lui était nécessaire.

Les difficultés ainsi établies dans les gestes de la vie quotidienne se rattachent au déficit fonctionnel permanent, réparé distinctement ; elles ne peuvent fonder une indemnisation pour l’assistance d’une tierce personne, qui n’apparaît pas nécessaire ; la demande formée à ce titre sera rejetée ».

La Cour d’appel de Montpellier, dans un arrêt du 28 février 2017 (n° 14/07770), « confirme que ces éléments sont largement insuffisants pour caractériser un niveau de handicap de nature à fonder le besoin d’être assisté de manière définitive par une tierce personne, ni pour permettre l’appréciation d’un contenu précis de l’aide nécessaire. La seule indication que son époux peut être amené à l’aider pour le port de charges lourdes ne justifie certainement pas l’indemnisation du coût d’une aide à la personne permanente et définitive ».

Quant à la Cour d’appel de Poitiers, dans une décision du 15 février 2017 (n° 15/03160), elle précise qu’« il est d’usage qu’en cas de nécessité d’une assistance par tierce personne, l’expert quantifie, de façon soit journalière, soit hebdomadaire, le nombre d’heures nécessitées et à quelle fin. Or, non seulement, il ne l’a pas fait mais a ajouté ”Durant ce séjour (séjour chez sa cousine), la victime se débrouillait seule et n’a pas eu besoin d’aide personnelle. Compte tenu de cette dernière remarque, l’ordonnance entreprise sera réformée en ce qu’elle a alloué une somme au titre de l’assistance tierce personne. Madame H. sera déboutée de sa demande ».

  • La prise en compte de l’environnement dans l’évaluation de la perte d’autonomie

L’expertise effectuée sur le lieu de vie du blessé est ici primordiale. En effet, la mesure du handicap ne doit pas se limiter à un simple diagnostic médical des mécanismes physiopathologiques et de la capacité restante. La détermination définitive des besoins en aide humaine par le médecin expert ne peut se faire qu’après prise en compte de l’environnement de la victime. Cela permettra de mesurer les solutions, temporaires puis définitives, retenues par la victime dans le cadre de son projet de vie. Il est en effet important d’apprécier sur la durée son adaptation aux aides matérielles et aux aides humaines, favorisant ainsi son autonomie et sa réinsertion sociale.

La question de l’évaluation de la tierce personne ne peut être dissociée de celle de l’aménagement du logement. Sur ce point, on se reportera à la lettre sur le poste « Frais de logement adapté (Lettre n° 20, téléchargeable sur le site de l’AREDOC)».

Cela est rappelé, par ailleurs, dans le point 17 de la mission 2014 droit commun spécifique aux handicaps graves générant une perte d’autonomie qui vise notamment les frais de logement adapté, les frais de véhicule adapté et l’assistance par tierce personne.

C’est ainsi qu’après avoir pris en compte les moyens techniques favorisant l’autonomie (télésurveillance, domotique, …), le médecin expert déterminera le nombre d’heures correspondant aux besoins de la victime et précisera le ou les types de tierce personne nécessaires.

Ce mode d’évaluation repris par le point 17 de cette mission a été adoptée depuis plusieurs années par certains TGI montrant ainsi sa pertinence (TGI Marseille, référé, 29 avril 2016, n° 16/01313 ; TGI Evry, référé, 9 février 2016, n° 15/01156 ; TGI Fort de France, référé, 18 mars 2016, n° 15/00575). Signalons également la demande spontanée de cette mission, par les magistrats, dans une ordonnance de référé récente du 20 mars 2018 (TGI Rouen, 20 mars 2018, n° 18/00047).

Cette méthode d’évaluation des besoins tenant compte en premier lieu des aides techniques en vue de permettre une plus grande autonomie des personnes handicapées avant l’évaluation du besoin en aide humaine a été également retenue par certaines cours d’appel.

Ainsi, sur les aides techniques, la Cour d’appel de Paris (arrêt du 17 décembre 2015, n° 15/00750) prend en compte le recours avéré à des aides techniques pour fixer le nombre d’heures de tierce personne. La cour d’appel retient ainsi qu’« au regard de ces éléments, étant observé que le transfert baignoire pourrait être amélioré par l’acquisition d’un matériel adapté de coût modeste, l’évaluation de l’expert à raison de 3 heures par semaine correspond au besoin. En revanche, tant que Monsieur M. ne bénéficie pas d’une voiture équipée d’une boîte automatique avec inversion des pédales, il existe un besoin supplémentaire en ce qui concerne ses déplacements que la cour évalue à une heure supplémentaire par semaine jusqu’à la date du présent arrêt ».

S’agissant de l’impact de l’adaptation du logement, la Cour d’appel d’Angers, dans un arrêt du 13 février 2014 (n° 12/02166) a validé l’évaluation faite par l’expert judiciaire : « les besoins en tierce personne peuvent être évalués à 2 heures 30 chaque jour, en tenant compte des améliorations prévues de l’environnement architectural ». Il en est de même dans un arrêt de la Cour d’appel d’Amiens du 12 janvier 2016 (n° 13/04451) : « Les réserves des intimées portent exclusivement sur la nécessité de maintenir quelques six heures par jour de présence d’une auxiliaire de vie une fois les aménagements intérieurs réalisés dont le docteur P. suggérait qu’ils puissent permettre de la réduire ».

La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 17 novembre 2014 (n° 12/15373), a de son côté pris le parti de réduire le volume d’aide humaine passé un délai de 24 mois à compter de la décision, le temps pour la victime de bénéficier d’un logement adapté : « Le besoin en tierce personne de Monsieur D. jusqu’à ce qu’il bénéficie d’un logement adapté est de 10 heures par jour. Il sera ensuite de 7 heures par jour. […] Dans le délai maximum de 24 mois suivant la date à laquelle le présent arrêt sera devenu définitif, délai dont Monsieur D. estime qu’il est suffisant pour lui permettre de se loger de façon adaptée et pérenne, la rente annuelle et viagère sera de 46.144 € (7 h x 16 € x 412 jours) ».

La Cour d’appel de Lyon, dans un arrêt du 22 janvier 2015 (n° 12/00609) a pu également refuser toute tierce personne car la perte d’autonomie de la victime était entièrement substituée par une prothèse et l’aménagement du logement pris en compte dans l’indemnisation totale : « Monsieur M. est appareillé depuis 2007 d’une prothèse lui permettant de se déplacer et d’accomplir les actes de la vie courante et il est manifestement autonome. Cette autonomie sera encore renforcée lorsque Monsieur M. profitera des fonctionnalités complémentaires de la prothèse GENIUM qui permet d’effectuer sans difficultés tous les déplacements inhérents à la vie quotidienne, notamment monter et descendre des escaliers, et d’une maison aménagée qui fait l’objet d’une indemnisation particulière ».

  • Les typologies de tierce personne

En fonction de son handicap, une victime peut avoir besoin de plusieurs types d’aides :

Hors actes de soins, on peut répartir les catégories d’aide humaine en :

  1. aide humaine active (y compris incitation à faire) :
    ► Pour les actes concernant la victime elle-même, comme le transfert, la toilette, l’habillage, l’aide à la prise des repas, l’aide à l’exonération… ► Pour les actes concernant l’environnement de la victime comme les courses, le ménage, la préparation des repas, l’accompagnement pour les déplacements extérieurs, l’aide à la gestion du quotidien…
  2. aide humaine passive :

► Pour les actes de présence.

CA Paris, 5 septembre 2016, n° 15/07559 : « Aux termes de son rapport du 4 avril 2013, le professeur B conclut qu’une part de ses besoins en tierce personne est liée aux troubles neuropsychologiques secondaires au traumatisme crânien du 17 octobre 2007. Elle peut être évaluée à : 3h/jour (aide active pour incitation, guidance, prise d’initiative) et 10h/jour (aide passive pour surveillance). Ce taux est identique avant et après consolidation ».

CA Versailles, 24 novembre 2016, n° 14/08173 : AIPP 90%. « Besoin actuel en aide humaine, 8h de tierce personne active et 16h de tierce personne de proximité au vu de son état neurocomportemental et fonctionnel… ».

 

Aspect indemnitaire

Rappelons que la nomenclature Dintilhac inclut la tierce personne temporaire avant consolidation dans le poste « Frais divers ».

Une distinction est opérée entre la tierce personne permanente échue et à échoir. La première correspond à la tierce personne passée, de la date de la consolidation jusqu’au jour de la liquidation, la seconde prend en considération la tierce personne future à compter de la liquidation.

L’évaluation du poste tierce personne doit être effectuée in concreto en fonction de la nature de l’aide apportée à la victime par rapport à ses besoins tels que définis par l’expert.

La Cour d’appel d’Aix en Provence, dans un arrêt du 4 novembre 2009 (n° 08/02840) a rappelé que la demande en tierce personne ne peut reposer sur des documents à caractère général tels que des articles de journaux ou la production de tarifs émanant d’associations d’aide à domicile.

Par ailleurs, il convient de rappeler deux principes constants définis par la Cour de cassation et très souvent rappelés par elle : Cass. 1ère civ., 13 juillet 2016, n° 15-21.399 : « L’indemnité allouée au titre de l’assistance d’une tierce personne, qui doit être évaluée en fonction des besoins de la victime, ne peut être subordonnée à la production de justificatifs des dépenses effectives ».

Cass. 2ème civ., 4 mai 2017, n° 16-16.885 : « Attendu que le montant de l’indemnité allouée au titre de l’assistance d’une tierce personne ne saurait être réduit en cas d’assistance d’un membre de la famille, ni subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives ».

 Les modalités d’assistance

Il existe plusieurs modes d’intervention de la tierce personne.

  1. La victime est employeur direct :

– soit d’une aide extérieure,

– soit d’un membre de sa famille (Article L. 245-12 du Code de l’action sociale et des familles issu de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005).

Dans les deux cas, la victime a la possibilité de régler en chèque emploi service universel (CESU), se facilitant ainsi les démarches administratives.

  1. La victime peut faire appel à une association mandataire.
    Dans le cadre du service mandataire, la victime reste employeur des personnes mises à disposition par l’association, mais la répartition des rôles entre association mandataire et employeur évite à la personne assistée de supporter l’ensemble des obligations et charges administratives.

Les tâches comprises dans le prix et incombant à l’association mandataire peuvent être résumées de la façon suivante :

– proposer un ou plusieurs intervenants à domicile au particulier en fonction de ses besoins ;

– accomplir pour le compte de l’employeur les formalités administratives liées à l’emploi d’un salarié à son domicile (déclaration auprès de l’URSSAF, aide à l’établissement du contrat de travail, fiche de paie selon les feuilles de vacation, attestation de salaire lors d’un arrêt maladie du salarié, etc.) ;

– proposer un intervenant à domicile pour assurer le remplacement du salarié titulaire (en cas d’arrêt de travail, de congés) sur sa demande ;

– suivre son dossier et encadrer le service ;

– informer le particulier des obligations légales qu’il est tenu de respecter en tant qu’employeur ;

– apporter une présence, la sécurité et un soutien moral.

L’accompagnement par une structure mandataire peut permettre de sécuriser le particulier dans son rôle d’employeur et participe à la continuité de l’accompagnement dans le cadre de l’emploi direct (remplacement, accompagnement du particulier employeur dans la procédure de recrutement, …)(Guide de bonnes pratiques relatif à l’aide à domicile aux personnes âgées et handicapées par les SAAD prestataires – Ministère des affaires sociales et du Ministère de la santé – 2016/2017).

  1. La victime peut faire appel à une association prestataire. Dans ce cadre, la victime rémunère un organisme ou une association qui sera l’employeur et accomplit toutes les démarches administratives et fiscales.
    Cette solution présente l’inconvénient pour la victime de ne pas avoir la liberté de choix de la personne salariée de l’association et de subir l’organisation ainsi que les éventuels changements inopinés du personnel de l’association.
  • Le calcul

Le choix du mode de recours à la tierce personne a une incidence sur le mode de calcul.

  1. La durée

En mode prestataire, le calcul se fera sur 365 jours (52 semaines). La Cour d’appel d’Aix-enProvence l’a expressément indiqué dans un arrêt du 10 décembre 2015 (n° 14/13602) : « L’assistance de tierce personne doit être calculée sur la même base de 3 heures par jour proposée par l’expert et acceptée par les deux parties et un coût horaire moyen de 18 € selon une base annuelle de 365 jours dès lors que le tarif retenu est celui appliqué par les organismes prestataires de service où le tiers (et non la victime) a la qualité d’employeur ».

D’autres cours d’appel ont retenu la même solution, notamment la Cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt du 2 mai 2017 (n°16/02557) : « En revanche, dès lors qu’on envisage un tarif prestataire, la capitalisation doit intervenir sur la base de 365 jours et non sur celle de 412 jours qui correspond à la prise en compte des congés payés lorsqu’on envisage un tarif employeur particulier. Le barème de capitalisation le plus adapté à la réparation intégrale du préjudice est le plus actuel de sorte qu’il sera retenu le barème publié en avril 2016 par la Gazette du Palais soit pour un homme de 30 ans à cette date 36.990 € ». En mode mandataire ou en emploi direct, la prise en compte des congés payés dans le coût horaire influera sur le nombre de jours retenus.

  • Si le coût horaire inclut les congés payés (par exemple en mode CESU, le coût horaire est alors majoré de 10 %), l’annuité doit être calculée sur 365 jours ou 52 semaines pour ne pas prendre en compte deux fois les congés payés.
  • Si le coût horaire n’inclut pas les congés payés, l’annuité peut alors varier de 400 à 412 jours selon les décisions (CA Aix-en-Provence, 15 juin 2017, n°16/01518 retenant une annuité de 400 jours).

Toutefois, il convient de préciser que le calcul sur 412 jours est erroné. En effet, si l’on calcule sur la base des congés légaux (2,5 jours par mois et une dizaine de jours fériés), il paraît plus légitime de retenir le mode de calcul suivant : → 365 jours + 30 jours de congés payés + 10 jours fériés = 405 jours.

La Cour d’appel de Nîmes, dans un arrêt du 8 juin 2010 (n°09/03990), a utilisé ce mode de calcul, en se basant sur une période de 405 jours : « L’indemnité pour assistance d’une tierce personne sera évaluée comme suit sur la base d’un taux horaire de 12 € incluant les charges patronales : [..] *à compter de la consolidation (4 janvier 2000) jusqu’en 2006 : 12 € x 2h x 405 jours (nombre de jours sur un an compte tenu des jours fériés et congés devant être payés à la tierce personne) x 6 ans = 58. 320 € *à compter de 2006 et pour l’avenir 12 € X 1 h x 284 jours (405-121) x 26, 721 (Valeur de l’euro de rente pour une femme de 25 ans) = 91. 065, 16 € ».

 

  1. Le coût horaire

Le coût de l’aide sera nécessairement différent selon qu’intervient une aide dispensée activement auprès de la victime ou dans un rôle d’alerte et/ou de surveillance, de jour ou de nuit et doit être apprécié in concreto. C’est également l’approche retenue par le référentiel indicatif de l’indemnisation du préjudice corporel des cours d’appel (Référentiel indicatif de l’indemnisation du préjudice corporel des cours d’appel, 2016, p.47) et que l’on retrouve en jurisprudence (CA Paris, 5 septembre 2016, n°15/07559 ; CA Rennes, 9 mars 2016, n°15/00942 ; CA Versailles, 24 novembre 2016, n°14/08173).

Concernant la surveillance nocturne, ce même référentiel explique qu’« on peut retenir un taux horaire moyen de 11 € sachant qu’en pratique les tierces personnes de nuit ne sont pas rémunérées à l’heure mais en fonction d’un forfait pour la nuit et que les tarifs des services mandataires sont généralement inférieurs ». On peut également évoquer, à ce sujet, l’existence de services de garde itinérante de nuit. S’agissant de l’appréciation in concreto du type d’aide nécessitée par la victime, citons par exemple un arrêt de la Cour d’appel de Lyon, du 13 octobre 2016 (n°10/02943).
En l’espèce, il s’agit d’une victime tétraplégique âgée de 25 ans au moment de la consolidation et présentant un taux d’AIPP de 85% : « Il résulte clairement de l’expertise du docteur C. que l’état de monsieur Serge L. nécessite 4 heures d’assistance active et 20 heures de présence passive ».

Un arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 24 novembre 2016 (n°14/08173) vient également illustrer la distinction à opérer en fonction de la nature de l’aide.

L’arrêt concerne une victime âgée de 34 ans au moment de la consolidation et dont le taux d’AIPP s’élève à 90%. La cour d’appel retient : « Au regard des aléas inhérents à toute solution de placement, et quelles que soient les qualités de gestionnaire et le dévouement des parents de Renan R., le versement d’une rente est plus conforme à l’intérêt de la victime, au regard de son âge (45 ans au 1er juillet 2016) et de la gravité de son handicap, qui lui interdit définitivement toute activité lucrative, afin de lui assurer, en toute circonstance, un revenu suffisant pour lui permettre de rémunérer l’assistance dont elle a besoin. […] Seront ainsi retenus les taux horaires de 19 euros pour les heures actives, et 13 euros pour les heures de surveillance ».

Une troisième illustration nous est fournie par un arrêt de la Cour d’appel de Dijon, du 11 Juillet 2017 (n° 11/00400) : « Que le coût annuel de la tierce personne peut être évalué comme suit, sur la base d’un besoin d’aide humaine 24 heures sur 24 pendant (365 jours + 5 semaines de congés payés et 10 jours fériés – 220 jours en MAS) et 15 heures sur 24 pendant 220 jours, et d’un coût horaire de 17 € pour l’aide de substitution et de 15 € pour l’assistance : – aide de substitution : 17 € x 16 h x 180 jours par an + 17 € x 10 h x 220 jours par an = 86 360 € – assistance : 15 € x 8 h x 180 jours par an + 15 € x 5 h x 220 jours par an = 38 100 € ».

Le coût horaire de la tierce personne passée (entre la consolidation et la liquidation) pourra varier dans le temps en fonction des éléments socio-économiques de l’époque.

Si la jurisprudence reconnait la valeur de l’assistance réalisée par l’aidant familial, elle ne saurait en revanche l’aligner par principe sur le coût d’une association prestataire.

L’assistance ne saurait donc être soumise à un régime spécial de tarification, dès lors que son emploi n’est pas justifié et n’est de surcroît pas mis en place de manière effective.

Comme l’énonce la Cour d’appel de Rennes dans un arrêt rendu le 27 mai 2011 (n°10/01318) : « si l’indemnité allouée à ce titre ne peut être réduite en cas d’assistance bénévole par un membre de la famille, cela n’induit nullement que l’indemnité doive correspondre aux barèmes de facturations les plus élevées, en particulier lorsque la victime n’a pas elle-même fait le choix d’une assistance par prestataire extérieur, se privant ainsi de la faculté de démontrer que cette modalité de concours lui est indispensable… ».

Par ailleurs, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation précisait dès 2009 que « c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des modalités d’assistance de la victime par une tierce personne que la cour d’appel, qui n’avait pas à entrer dans le détail de l’argumentation des parties a estimé, sans méconnaitre le principe de la réparation intégrale, que le service mandataire était préférable au service prestataire » (Cass. 2ème civ. 10 décembre 2009, n°08-21.642).

La Cour d’appel d’Aix en Provence, dans un arrêt rendu le 2 février 2017 (n° 15/21395), a pu estimer un coût moyen à partir de la nature de la tierce personne et des tarifs d’aide à domicile en vigueur dans la région : « Eu égard à la nature de l’aide requise et du handicap qu’elle est destinée à compenser, des tarifs d’aide à domicile en vigueur dans la région, sur la base d’un taux horaire moyen sollicité de 16 € ».

En définitive, si aujourd’hui la jurisprudence ne subordonne pas le paiement de l’aide humaine permanente à la justification des dépenses, elle exige toutefois une approche concrète tenant compte :

  • de la nature de l’aide apportée (aide active, aide passive)(CA Paris, 23 janvier 2017, n°15/02014 et CA Pau, 31 juillet 2017, n°15/02152),
  • du caractère diurne ou nocturne de l’aide,
  • des tarifs en vigueur dans la région,
  • du mode de gestion choisi en fonction des capacités de la victime (emploi direct d’une personne extérieure ou d’un membre de la famille, association mandataire, association prestataire).

Il convient de rappeler que, dans le cas de l’emploi d’un aidant, quel qu’en soit le mode, certaines exonérations de charges ont été mises en place par les pouvoirs publics (Voir annexe : « Cas d’exonérations ou de déduction des charges patronales »).

En conclusion, on doit retenir que l’approche des besoins et leur indemnisation doit exclure toute approche théorique ou abstraite.

Pour être juste, équitable et conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation, l’indemnisation de ce poste doit reposer sur un coût qui :

  • corresponde à la nature des besoins effectivement apportés et à la valeur économique réelle de cette aide (une aide au ménage diffère d’une aide aux soins spécialisés),

 

  • permette à la victime, le cas échéant, pour cette aide spécifiquement identifiée, de pouvoir faire appel à une aide humaine extérieure autre que familiale.

Dans la réalité, sauf situation particulière à caractériser, il est rare de contracter avec un service prestataire pour de « simples tâches domestiques ». Par ailleurs, les besoins de guidance et/ou accompagnement sont souvent assurés par la famille. Il est très rare de constater la mise en place d’un service prestataire sur l’ensemble de la journée.

 

Quelques illustrations jurisprudentielles :

  • CA Paris, 12 mars 2018, n° 17/11327

« En l’espèce, il résulte des pièces produites aux débats que la pathologie dont Monsieur O. était atteint et le lourd traitement, tant par chimiothérapie que par radiothérapie, rendaient nécessaire l’assistance d’une tierce personne dont les besoins seront ainsi évalués : 3 heures par jour du 15 juin au 15 août 2013 et 4 heures par jour du 16 août au 15 septembre 2013 au taux horaire de 15 euros qui correspond au besoin, soit : (3h x 15 € x 62-16 jours) + (4h x 15 € x 31-12 jours) = 3 210 € ».

  • CA Aix-en-Provence, 18 mai 2017, n° 16/06253

« La nécessité de la présence auprès de Monsieur N. d’une tierce personne n’est pas contestée dans son principe ni son étendue pour l’aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d’autonomie mais elle reste discutée dans son coût. (…)
Eu égard à la nature de l’aide requise et du handicap qu’elle est destinée à compenser, des tarifs d’aide à domicile en vigueur dans la région, l’indemnisation se fera sur la base d’un taux horaire moyen de 16€.
L’indemnité de tierce personne s’établit à :
– 16€ x 3h x 41 jours = 1968€
– 16€ x 2h x 151 jours = 4.832€
et au total la somme de 6.800 € qui sera ramenée à la somme de 6315 € pour rester dans la demande ».

  • CA Riom, 6 juillet 2017, n° 16/01606

« La cour relève que Monsieur P. ne verse pas d’éléments efficients permettant de déterminer le coût réel de l’assistance, étant précisé qu’à ce jour la victime ne prouve pas qu’elle a mis en place une aide humaine (aide qui avait été apportée par la compagne de la victime lorsqu’elle était en vie). Si bien que c’est sur la base d’un coût horaire de 9,14 euros que le calcul s’opérera en prenant également en considération 6 semaines de congés payés et autres jours fériés, soit 58 semaines à 4 heures par semaine (232 heures x 9,14 = 2 120 euros) qui sont capitalisés sur une valeur de 20,298 de rente viagère (2 120 x 20,298) soit un total de 43 031,76 euros ».

  • CA Poitiers, 13 janvier 2016, n° 12/16

« Madame C. sollicite un coût horaire de 21,93 €, se fondant sur le coût horaire le plus élevé demandé par l’ADMR (L’ADMR signifie l’aide à domicile en milieu rural).

. La cour observe que la dernière facture ADMR, dont le taux horaire est d’ailleurs de 18,60 €, remonte au mois de juin 2007. Madame C. n’a manifestement plus eu recours à un prestataire depuis. Le calcul s’effectuera donc sur la base du tarif mandataire horaire de 16 € ».

  • CA Paris, 23 février 2017, n° 15/14860

Selon les pièces produites par la victime, « pendant une période de sept semaines suivant l’intervention chirurgicale du 10 octobre 2004, Madame D. n’avait pas pu poser le pied par terre en raison de fortes douleurs et que, de fait, elle avait eu besoin d’une aide humaine pendant 3 heures par jour pour gérer les actes de la vie quotidienne, mais qu’il n’était pas justifié de la nécessité d’une telle aide jusqu’au 10 février 2005, les difficultés à se déplacer ne justifiant pas à elles seules l’intervention d’une tierce personne. Après application d’un tarif horaire de 15 euros, conforme à la réalité économique des années 2003 et 2004, étant observé qu’il n’est pas produit de factures de prestations de services ou de bulletins de salaire, il y a lieu de dire que le préjudice subi par Madame D. au titre de l’assistance par tierce personne est justement indemnisé par l’octroi de la somme de 5 130 euros de sorte que le jugement déféré doit être confirmé sur l’évaluation de ce poste de préjudice ».

  • CA Poitiers, 8 février 2017, n° 15/04651 

« En considération des conclusions des médecins experts faisant état de la nécessité pour Monsieur B. d’être aidé quotidiennement par son épouse pour mettre ses chaussettes, son releveur de pied et son pantalon, les parties s’accordent pour évaluer l’activité d’une tierce personne à 1h30 par jour pendant 400 jours par an pour tenir compte des jours fériés et chômés. Monsieur B. conclut à la confirmation de la somme allouée en première instance calculée sur la base d’un coût horaire de 20 € par référence au barème 2013, et le GAEC propose de verser celle de 98.801,49 € calculée sur la base d’un coût horaire de 9,67 € par référence au barème 2011. En l’absence de factures justifiant de l’emploi par Monsieur B. d’une tierce personne extérieure à sa famille pour l’aider à s’habiller et à se déshabiller, le taux horaire retenu sera fixé à 9,67 € correspondant au SMIC brut, soit une indemnité de 106.571,13 € (9,67 € x 1,5 h x 400 j x 18,368) ».

  • CA Chambéry, 9 février 2017, n° 16/00459

« Il n’existe pas de motif pour remettre en cause la nécessité d’une aide tierce personne, liée à la limitation de capacité de la victime notamment pour l’entretien de la propriété de Monsieur P., que certes les médecins n’ont pas visitée, mais sont capables d’envisager in abstracto, compte tenu des très importantes douleurs conservées et de la limitation très nette des mouvements sur le côté gauche qui est son côté de référence puisqu’il est gaucher. Les photographies produites illustrent cette nécessité. La cour retiendra donc, contrairement au premier juge, cette aide d’une heure par semaine, mais sans besoin pour cette aide de qualification particulière, donc sur la base de 12 € en raison du type de tâches à assumer ».

  1. En cas d’hospitalisation ou de placement de la victime.

Dans le cadre d’un placement de la victime en logement thérapeutique, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu en 2015 (Cass. 2ème civ., 10 décembre 2015, n° 14-27209).

une décision validant le principe de non cumul entre aide humaine et placement en logement thérapeutique. En l’espèce, à la suite d’un accident de la circulation, la victime s’était vue limiter le montant de la somme versée au titre de l’assistance par tierce personne par la cour d’appel, dans la mesure où elle avait été placée dans un appartement thérapeutique pendant une certaine période, période qui devait dès lors être déduite du montant alloué pour l’assistance d’une tierce personne 7 jours sur 7 et 24h sur 24. Un pourvoi en cassation était formé contre cette décision.

La Cour de cassation valide le raisonnement de la cour d’appel, qui a souverainement retenu que la victime avait été en appartement thérapeutique de juin 1996 à mars 1999 et qu’aucun frais n’étant resté à charge dans ce cadre, c’est à bon droit que la demande d’indemnisation pour ce chef de préjudice portant sur cette période est rejetée.

Dans un arrêt plus récent du 23 novembre 2017 (n°16-24.172), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation énonce que la cour d’appel avait retenu que « si Madame X…vit actuellement au sein d’un établissement, son handicap ne la voue pas à séjourner à vie en milieu institutionnel puis fixe l’indemnité sur la base de vingt heures d’assistance passive au taux horaire de 12 euros et quatre heures d’assistance active au taux horaire de 18 euros, y compris pour la période échue ».

Ainsi, la Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel au motif « qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si le besoin d’assistance par une tierce personne de Madame X… n’était pas entièrement pris en charge par les organismes sociaux pendant la durée de son placement en institution, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

Par ailleurs, les juridictions administratives adoptent la même position que les juridictions civiles en retenant le principe de non-cumul quant à l’indemnisation d’une aide humaine d’une victime placée en logement thérapeutique.

Ainsi, dès 2008, dans un arrêt du 25 juin (n° 235887), le Conseil d’État décide que « si le juge n’est pas en mesure de déterminer lorsqu’il se prononce si l’enfant sera placé en institution ou s’il sera hébergé au domicile, il lui appartient d’accorder à l’enfant une rente trimestrielle couvrant les frais de son maintien à domicile, en précisant que cette rente sera versée au prorata du nombre de nuits que l’enfant aura passées à ce domicile au cours du trimestre écoulé ».

Plus récemment, cela a été rappelé par le Conseil d’État, dans un arrêt du 25 mai 2018 (n° 393827), dans le cas d’un enfant accueilli en qualité de demi-pensionnaire dans un établissement pour enfants et adolescents polyhandicapés.

Dans le cas d’une demande sollicitée par une victime dont le retour à domicile n’est pas effectif, la Cour d’appel de Paris, dans sa décision du 19 janvier 2015 (n° 12/16088), prévoit qu’il lui appartiendra de saisir ultérieurement la juridiction compétente d’une demande de réparation de ce préjudice en cas de modification de sa situation.

  • Les modalités de règlement

Le règlement de ce poste de préjudice intervient dans la très grande majorité des cas sous forme de rente indexée, celle-ci étant suspendue en cas d’hospitalisation ou d’accueil dans une structure spécialisée d’une durée généralement supérieure à 45 jours (La durée varie entre 30 et 45 jours).

Depuis 1996, la Cour de cassation ainsi que les juridictions du fond prônent le règlement en rente : « La victime est lourdement handicapée et est dans l’incapacité d’accomplir certains actes de la vie courante (se laver, s’habiller, se nourrir, faire ses transferts, se déplacer). Dans ce cas, il est essentiel, dans l’intérêt de la victime dont il convient de sauvegarder l’avenir (nombreux sont les handicapés dont l’argent a été mal placé ou dilapidé et qui se trouvent démunis et sans droits alors qu’ils avaient été correctement indemnisés en capital) de décider, même si ce n’est pas demandé ou si les parties s’y opposent [les juges du fond apprécient souverainement le mode de réparation du dommage et peuvent allouer à la victime une indemnité sous forme de rente, au lieu du capital demandé par celle-ci (Cass. Crim., 19 juin 1996, Bull. 1996, n° 261, pourvoi n° 95-82.631)] que le payement de la tierce personne future se fera sous forme de rente viagère indexée et non de capital payable à compter du lendemain du jour où a pris fin la tierce personne passée » (Référentiel indicatif de l’indemnisation du préjudice corporel des cours d’appel, septembre 2016, p.49). 

Cette approche est partagée et réaffirmée avec force par les assureurs dans le Livre Blanc de 2018 (Livre Blanc – Dommages corporels : pour un meilleur accompagnement de l’indemnisation des victimes, Fédération Française de l’Assurance (FFA), 2018).

: « seule une indemnisation sous forme de rente indexée des préjudices patrimoniaux futurs est à même de garantir à la victime une indemnisation intégrale de ces préjudices, dans les meilleures conditions de sécurité et ce, jusqu’à son décès ».

De la même façon, le référentiel indicatif de l’indemnisation du préjudice corporel des cours d’appel de septembre 2016 préconise ce mode de règlement notamment pour les handicaps lourds en reprenant le dispositif de l’arrêt précité de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 19 juin 1996, n° 95-82.631.

Enfin, le projet de réforme du droit de la responsabilité civile reprend dans son article 1272 le principe de l’indemnisation sous forme de rente indexée (Projet présenté par le Garde des Sceaux en mars 2017).

En effet, la capitalisation d’un préjudice futur repose, par définition, sur des estimations correspondant à des valeurs moyennes issues d’analyses statistiques. L’utilisation d’un barème aussi rigoureux soit-il ne peut combler l’écart entre la réalité que vivra la victime et les valeurs, normes et statistiques considérées. Il est particulièrement inapproprié de faire supporter ce risque à la victime.

La rente indemnitaire représente la voie d’indemnisation conforme à l’intérêt des victimes en tant que la mieux susceptible d’assurer la réparation intégrale du préjudice subi, lorsqu’il s’agit de préjudice important et/ou de longue durée. La rente indexée garantit à la victime non seulement un revenu régulier et revalorisé au fur et à mesure de ses besoins, mais également sa protection future.
On retrouve de nombreux exemples de cours d’appel arbitrant en faveur de l’indemnisation sous forme de rente.

Dans un arrêt du 10 septembre 2015 (n°2015/363), la Cour d’appel d’Aix en Provence a retenu pour une victime de 33 ans, le versement de « l’indemnité de tierce personne permanente sous forme de rente trimestrielle au motif qu’il est de l’intérêt de la victime, au vu de la gravité de son handicap et afin de garantir une éventuelle dilapidation de son capital, de prévoir une rente viagère annuelle payable par trimestre ».

A titre principal les parents de la victime demandaient la confirmation du versement de l’indemnisation en capital.

La cour d’appel n’a pas accédé à leur demande : « Il convient, afin d’une part, de respecter le principe de la réparation intégrale du préjudice et, d’autre part, d’assurer de façon continue le service de la prestation d’aide humaine avec des sommes régulièrement affectées, d’indemniser la tierce personne future par l’intermédiaire d’une rente viagère mensuelle indexée ».

Devant la Cour d’appel de Rouen, (arrêt du 12 février 2015, n°14/02516) pour le cas d’une victime âgée de 80 ans au moment de la consolidation, la compagnie d’assurance sollicite « la confirmation du jugement et soutient, en résumé, que la situation de Madame T. et son âge justifient le versement de l’indemnisation de ce chef de préjudice sous la forme d’une rente qui est plus adaptée que le versement d’un capital ; que ce mode d’indemnisation assure la victime à vie, sans reposer comme en cas de versement de capital sur une espérance de vie par définition aléatoire et théorique, et sans exposer la victime à un risque de dilapidation d’une indemnité qui a pour vocation de lui permettre d’assurer forcément le financement d’une tierce personne pendant le reste de sa vie ; que l’objet de la rente est de contribuer à la réparation du préjudice subi par la victime du fait de la nécessité de recourir aux aides au fur et à mesure de ses besoins au cours de son existence, et non d’opérer un placement financier du capital de rente, au titre de cette tierce personne ».

La cour décide qu’en l’espèce, « Madame T., du fait de son lourd handicap, a besoin d’une assistance d’une tierce personne chaque jour de la semaine, pour les actes essentiels de la vie courante, même s’il n’est évalué qu’à quelques heures de temps de présence. Dès lors, dans l’intérêt de Madame T. dont il convient de protéger l’avenir, le paiement de la tierce personne future se fera sous forme de rente trimestrielle et viagère indexée et non de capital comme demandé ».

Dans un arrêt du 24 novembre 2016 (n° 14/08173), la Cour d’appel de Versailles, justifie également l’indemnisation sous forme de rente en ces termes : « Au regard des aléas inhérents à toute solution de placement, et quelles que soient les qualités de gestionnaire et le dévouement des parents de Renan R., le versement d’une rente est plus conforme à l’intérêt de la victime, au regard de son âge (45 ans au 1er juillet 2016) et de la gravité de son handicap, qui lui interdit définitivement toute activité lucrative, afin de lui assurer, en toute circonstance, un revenu suffisant pour lui permettre de rémunérer l’assistance dont elle a besoin ».

Plus récemment, par un arrêt du 1er février 2018 (n° 18/49), la Cour d’appel de Douai justifie l’indemnisation du préjudice assistance tierce personne permanente sous forme d’une rente viagère (la victime étant âgée de 35 ans au jour de la consolidation) : « Au vu de ce qui a été précédemment énoncé, pour la période à compter du 1er janvier 2018, en dépit de l’entourage familial aidant de Madame M-J L. , le versement sous la forme d’une rente viagère de l’indemnité allouée au titre de la tierce personne permanente est mieux adapté à assurer ses besoins futurs et à la protection de son avenir compte tenu de l’incapacité de Madame M-J L. à effectuer les tâches de la vie courante, les activités domestiques et complexes, de ses difficultés de déplacement et de ses troubles de la communication et du comportement ».