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Lettre de la COREIDOC n°12 – Les dépenses de santé futures

Bref historique

Avant 1978, les droits de la victime étaient définitivement fixés par la transaction ou le jugement qui déterminaient l’indemnisation. Un important arrêt rendu par l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation le 9 juin 1978 (Arrêt Ville de Bordeaux : « Attendu que pour rejeter la demande de la commune de Bordeaux, l’arrêt attaqué a retenu que faute par cette collectivité d’avoir fait état des dépenses prévisibles devant résulter de l’arrêt de travail du 10 juin 1970, l’indemnité mise à la charge du tiers responsable avait été définitivement fixée par le jugement du 26 juin 1970. Attendu qu’en statuant de la sorte, alors que la nouvelle action de la commune tendait à la réparation d’un élément de préjudice sur lequel il n’avait pu être statué puisqu’il n’avait pas été inclus dans la demande initiale et l’autorité de chose jugée attachée à la décision du 6 juin 1970 ne pouvait être opposée à une action qui avait un objet différent ». Gaz. Pal. Journal du 21 novembre 1978) a autorisé les organismes sociaux à exercer leur recours subrogatoire contre le responsable pour le remboursement des frais médicaux engagés après le règlement transactionnel ou judiciaire, qui perd ainsi son caractère définitif. Un arrêt rendu par la Chambre Sociale le 25 mai 1982 (Dalloz, 1982, II, 610, note H. Groutel.) précise la portée de cette jurisprudence.

Dans la lignée de celle-ci, a été élaboré en mai 1983 un protocole d’accord entre les assureurs et les organismes sociaux concernant les accidents impliquant un véhicule terrestre à moteur ou une bicyclette et ayant pour triple objectif :

– d’accélérer le recouvrement par les organismes sociaux,
– d’éliminer les causes de contentieux,
– de permettre, par des échanges d’informations réciproques, une indemnisation plus rapide des victimes.

Ce protocole n’est pas opposable à la victime.

Dans le cadre du droit commun, lorsque le protocole ne s’applique pas, les organismes sociaux peuvent opérer une évaluation forfaitaire des frais prévisibles et futurs, temporaires ou viagers, en même temps que l’évaluation judiciaire ou amiable, des préjudices actuels.
Ils ne peuvent exiger le remboursement immédiat sous forme de capital, sauf accord préalable entre les parties ; les tiers payeurs ne peuvent prétendre au paiement des frais qu’au fur et à mesure de leur engagement (Cass. Civ.2ème, 16 décembre 2004, n°03-15.595 ; Crim., 2 novembre 2011, n°11-82.959).

Définition Dintilhac

« Les dépenses de santé futures sont les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l’état pathologique de la victime après la consolidation. Ils sont postérieurs à la consolidation de la victime, dès lors qu’ils sont médicalement prévisibles, répétitifs et rendus nécessaires par l’état pathologique permanent et chronique de la victime après sa consolidation définitive (frais liés à des hospitalisations périodiques dans un établissement de santé, à un suivi médical assorti d’analyses, à des examens et des actes périodiques, des soins infirmiers, ou autres frais occasionnels, etc.). Ces frais futurs ne se limitent pas aux frais médicaux au sens strict : ils incluent, en outre, les frais liés soit à l’installation de prothèses pour les membres, les dents, les oreilles ou les yeux, soit à la pose d’appareillages spécifiques qui sont nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique permanent qui demeure après la consolidation ».

Aspect indemnitaire

Dans le cadre de la mission qui lui est confiée, le médecin doit se prononcer sur la nécessité de soins médicaux, paramédicaux, d’appareillage ou de prothèse, nécessaires après consolidation pour éviter une aggravation de l’état séquellaire et justifier l’imputabilité des soins à l’accident en cause en précisant s’il s’agit de frais occasionnels c’est-à-dire limités dans le temps ou de frais viagers, c’est-à-dire engagés la vie durant.

1) Les frais occasionnels :

Ce sont essentiellement des frais inhérents à :
– la poursuite d’un traitement médical pour une durée limitée ;
– des soins de kinésithérapie ;
– un traitement médical ou chirurgical futur destiné à améliorer un dommage esthétique, alors que tous les autres éléments du dommage corporel peuvent être définitivement appréciés ;
– l’ablation d’un matériel d’ostéosynthèse.

On sait que certains matériels sont presque systématiquement ôtés (clous centro-médullaires par exemple) alors que d’autres, compte tenu de leur localisation et de l’âge du patient, ne le seront qu’en cas d’intolérance, la plupart du temps improbable. De même, l’existence d’une maladie intercurrente peut contre-indiquer toute intervention.

2) Les frais viagers :

Ce sont, par définition, des frais qui devront être exposés pendant toute la vie de la victime. Ils correspondent :

– aux hospitalisations et/ou placements définitifs en centre de long séjour, ou intermittents mais régulièrement répétés ;
– aux prescriptions pharmaceutiques et aux soins paramédicaux qui devront être poursuivis pour éviter une aggravation ;
– aux prothèses et matériels destinés à pallier certains handicaps.

La difficulté de leur évaluation tient à leur justification médicale, leur imputabilité, leur caractère réellement pérenne, leur périodicité, la durée de vie des matériels. Le choix du matériel peut être fait par un expert ingénieur. Le rapport d’expertise indique la liste des soins et traitements nécessaires à titre permanent et précise la durée de renouvellement.

La fréquence de renouvellement des matériels et prothèses dépend de leurs caractéristiques, de leur mode d’utilisation et de la situation personnelle de chaque blessé. Elle est le plus souvent fixée selon les préconisations de la Sécurité Sociale, mais l’AREDOC propose également une liste par pathologie et handicap des soins ou matériels prévisibles et leur durée de vie (Brochure AREDOC « Soins après consolidation et frais médicaux futurs correspondant aux dépenses de santé futures » –  Octobre 2011).

La part annuelle à charge de la victime après déduction du montant réglé par les tiers payeurs fera l’objet d’une indemnisation en capital ou en rente.

Exemple de renouvellement d’un fauteuil roulant Invacare TDX SP2

Ce fauteuil a été acheté en 2016 pour 7797 €, il est renouvelable tous les 5 ans et sera donc à renouveler en 2021. Le montant restant à charge de la victime après déduction du remboursement de la caisse est de 4 797 €. Le coût annuel propre au renouvellement s’élève donc à 959,40 € (4 797 / 5).

En pratique, la méthode dominante pour l’évaluation de ce préjudice futur est celle de la « dépense nécessaire ». Il s’agit, par cette méthodologie, de prendre en compte la dépense chaque fois qu’elle est nécessaire, jusqu’à la liquidation et de capitaliser son montant annuel à compter du premier renouvellement suivant la liquidation  (« L’évaluation du préjudice corporel », 20ème édition – M. Leroy, J-D. Leroy, F. Bibal, p.88).

  • Règlement en capital :

(Rappel : achat initial et liquidation du préjudice en 2016).
Dépense initiale de la victime 4 797 euros + préjudice futur = 959,40 euros multiplié par le prix de l’euro de rente viagère à l’âge de la victime au renouvellement soit en 2021.
Ceci se justifie par le fait que la 1ère acquisition a été financée et permet de disposer du matériel pendant 5 ans ; c’est donc au terme de ces 5 ans qu’il convient ensuite de se placer pour calculer le capital à payer pour l’avenir.

  • Règlement en rente :

(Rappel : achat initial et liquidation du préjudice en 2016)
En cas d’option pour le règlement d’une rente annuelle de 959,40 euros, il convient alors de servir la rente dès 2016, ce qui permettra à la victime de constituer la réserve nécessaire pour faire face aux différents renouvellements de matériel.
Dépense initiale de la victime 4 797 euros + préjudice futur = rente annuelle viagère de 959,40 euros servie à partir de 2016.

Il convient de préciser que le point concernant l’aide humaine permanente, constituée de dépenses viagères sera développé au poste « assistance permanente par tierce personne ».

 

Lettre n° 12 – Les dépenses de santé futures