Lettre de la COREIDOC n° 21 – Le préjudice esthétique temporaire (PET)
Bref historique
Le dommage esthétique temporaire n’est pas nouveau mais il était auparavant indemnisé au titre du poste « souffrances endurées » ou du poste « préjudice esthétique permanent ». Il a été introduit dans notre environnement par le groupe de travail Dintilhac pour tenir compte des dommages esthétiques graves tels que les grands brûlés ou les traumatisés de la face.
Certaines cours d’appel appliquent la définition stricte de la nomenclature et d’autres optent pour une appréciation extensive de ce poste. La divergence entre les chambres civile et criminelle illustre en outre la difficulté de l’appréciation de ce poste de préjudice.
Définition Dintilhac
« Il a été observé que, durant la maladie traumatique, la victime subissait bien souvent des atteintes physiques, voire une altération de son apparence physique, certes temporaire, mais aux conséquences personnelles très préjudiciables, liées à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers.
Or ce type de préjudice est souvent pris en compte au stade des préjudices extra-patrimoniaux permanents, mais curieusement omis de toute indemnisation au titre de la maladie traumatique où il est pourtant présent, notamment chez les grands brûlés ou les traumatisés de la face.
Aussi, le groupe de travail a décidé d’admettre, à titre de poste distinct, ce chef de préjudice réparant le préjudice esthétique temporaire ».
Aspect médico-légal
Pour pouvoir se prononcer sur l’existence d’un dommage esthétique temporaire, distinct de tout autre poste temporaire comme les souffrances endurées ou les gênes temporaires constitutives d’un déficit fonctionnel temporaire, l’expert prendra en compte 4 items : la nature, la localisation, l’étendue et la durée des doléances exprimées à ce sujet. Il en déduira soit qu’il s’agit d’un réel PET autonome soit que les doléances exprimées par la victime relèvent des souffrances endurées ou des gênes temporaires, en argumentant sa position.
Aspect indemnitaire
Sur la base de cette description scrupuleuse et au regard des critères très précis donnés par cette définition Dintilhac, il pourra être proposé une indemnisation adaptée tenant compte bien évidemment de la durée de l’altération de l’apparence physique de la victime.
En effet, la lecture du rapport de la commission Dintilhac et les exemples qui y sont donnés montrent que ses rédacteurs ont souhaité cibler certaines situations dans lesquelles l’altération de l’apparence physique présentait des conséquences personnelles très préjudiciables pour la victime.
Ainsi, la jurisprudence a pu considérer que dans certains cas le préjudice esthétique temporaire était pris en compte au titre des autres postes de préjudices.
En revanche, s’il est reconnu en tant que poste autonome par l’expert, il doit être indemnisé de manière autonome. C’est ce qu’a rappelé la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 4 février 2016 (Cass. 2ème civ., 4 février 2016, n° 10-23.378) : « Vu l’article 1382 du Code civil ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. Attendu que pour accorder une certaine somme au titre de la réparation de l’entier préjudice de la victime, l’arrêt énonce que l’indemnisation sollicitée au titre d’un préjudice esthétique temporaire fait partie intégrante de l’indemnisation du déficit fonctionnel temporaire ; qu’en statuant ainsi alors que le préjudice esthétique temporaire n’est pas inclus dans le poste de déficit fonctionnel temporaire et doit être indemnisé séparément, la cour d’appel a violé le texte et le principe susvisé ».
Si la deuxième chambre civile reconnait et admet parfois l’autonomie de ce poste de préjudice, il en est autrement pour la chambre criminelle qui, aux termes de l’arrêt du 18 février 2014, n° 12-87.629, considère que le préjudice esthétique temporaire se confond avec le préjudice esthétique permanent dès lors que ce dernier a pris naissance dès le fait générateur. En adoptant cette position, la chambre criminelle se conforme à l’esprit des rédacteurs de la nomenclature Dintilhac.
Par une publication au bulletin, la Cour de cassation illustre à travers ces arrêts la divergence des juges du fond quant à l’appréciation de l’existence de ce poste de préjudice.