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Mission d’expertise médicale 2009 – Mise à jour 2014 – Commentaire des points 6 à 11

Point 6 – Lésions initiales et évolution

 

I – TEXTE DE LA MISSION

« Dans le chapitre des commémoratifs et/ou celui des documents présentés, retranscrire dans son intégralité le certificat médical initial, en préciser la date et l’origine et reproduire totalement ou partiellement les différents documents médicaux permettant de connaître les lésions initiales et les principales étapes de leur évolution. »

  II – COMMENTAIRES

Ce chapitre revêt une importance particulière et ne doit jamais être négligé : il fait partie intégrante de l’étude de l’imputabilité car il reproduit des documents probants, fournis par la victime, renseignant sur la réalité des blessures subies.

Il convient d’insister sur quelques points particuliers :

Le certificat médical initial : c’est la pièce maîtresse du rapport, sa reproduction intégrale est indispensable, à l’endroit du récit où il est chronologiquement logique de le lire. Il ne suffit pas de le citer dans un chapitre « pièces communiquées » où le lecteur devra aller le chercher. Sa reproduction peut être placée dans le chapitre réservé aux pièces présentées, mais également dans le corps du rapport, entre guillemets pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur la nature des lésions initiales.

Il arrive de plus en plus fréquemment que ce document, rédigé rapidement aux urgences, ne comporte aucune description. Il est alors le plus souvent complété par un autre certificat émanant du médecin traitant ou d’un spécialiste consulté peu de temps après ; ce certificat est aussi important que le tout premier en ce qu’il cerne mieux la localisation des blessures subies et donne des détails sur la thérapeutique et les éventuels arrêts d’activité prescrits.

Lorsque des interventions chirurgicales ont été pratiquées, il n’est pas nécessaire de les retranscrire mot à mot : il suffit d’en extraire les éléments essentiels. Il en est de même pour le compte rendu d’examens complémentaires ou les bilans effectués dans les services de rééducation.

Par ailleurs, il parait inutile de recopier totalement toutes les pièces présentées par la victime, dès lors que leur contenu n’apporte pas d’éléments supplémentaires à la bonne compréhension du dossier (exemple des courriers de transmission échangés entre confrères ou des comptes rendus de consultation sans description). Il faudra en faire une synthèse avec bon sens. Une extrême vigilance sera de mise cependant, car les comptes rendus hospitaliers font état de pathologies intercurrentes ou d’antécédents qui n’ont rien à voir avec l’accident. La violation du secret professionnel pourrait être soulevée alors que ces antécédents médicaux n’ont aucune conséquence sur les blessures et, même, ne sont nullement affectés par elles.

 

Point 7 – Examens complémentaires

 

I – TEXTE DE LA MISSION

« Prendre connaissance des examens complémentaires produits et les interpréter ».

II – COMMENTAIRES

L’expert doit interpréter les examens dans la mesure de sa compétence : il n’est pas tenu d’entériner les comptes rendus des confrères s’il ne partage pas leurs conclusions. Si tel est le cas, il lui faudra bien sûr donner son avis en le motivant.

Une mention particulière doit être faite pour les radiographies. Pour une bonne compréhension de l’évolution de l’état de la victime, il est souhaitable d’insérer chronologiquement leur compte rendu dans le courant du récit plutôt que de les regrouper dans un chapitre spécifique. Après avoir examiné les clichés, l’expert en donnera sa propre interprétation, en indiquant si elle coïncide avec celle du radiologue ou bien en s’expliquant le cas échéant sur des divergences d’interprétation. S’il arrive que la victime ne dispose que du compte rendu, cette précision doit être indiquée clairement dans le rapport. Si une imagerie d’interprétation plus difficile lui est soumise (tomodensitométrie, imagerie par résonance magnétique nucléaire, échographie…), l’expert peut indiquer qu’il s’en remet au compte rendu qui lui est soumis.

Dans les dossiers complexes, il peut arriver que tous les examens complémentaires, en particulier les radiographies, n’aient pas besoin d’être systématiquement analysés au cours du récit chronologique des commémoratifs, si cette analyse n’apporte aucun élément indispensable à la compréhension de l’évolution. Cependant, il est utile que l’expert liste sous une rubrique spécifique la nature des documents qui lui ont été soumis, en précisant qu’il en a pris connaissance mais qu’ils n’apportent aucun élément modifiant le suivi de l’évolution. Comme toujours, le médecin agira avec bon sens, en faisant un résumé des clichés fournis et en insistant sur ceux qui permettent de montrer l’évolution de la fracture.

 

Point 8 – Doléances

 

I – TEXTE DE LA MISSION

« Recueillir et retranscrire dans leur entier les doléances exprimées par la victime (et par son entourage si nécessaire) en lui faisant préciser notamment les conditions, date d’apparition et importance des douleurs et de la gêne fonctionnelle, ainsi que leurs conséquences sur sa vie quotidienne, familiale, sociale… »

 II – COMMENTAIRES

C’est le moment privilégié de l’expertise et le médecin doit y consacrer tout le temps nécessaire. Le patient doit être certain qu’il a pu tout dire, que l’expert a bien entendu ses doléances. La victime accordera beaucoup d’importance à la façon dont le médecin aura repris ses doléances et elle assimilera la compétence de l’expert à la fidèle reproduction de ses dires. Si la victime a eu l’impression de ne pas être écoutée, elle en déduira que l’expert n’est pas objectif et cela peut aboutir à une contestation globale des conclusions même si celles-ci sont tout à fait justifiées.

Cet interrogatoire doit être mené avec tact et méthode. L’expert expliquera qu’il lui faut recueillir de nombreuses informations pour se faire une opinion précise sur le dommage, afin de pouvoir rédiger, en toute connaissance de cause, un document qui est destiné à des non médecins qui doivent, à sa lecture, se faire une juste opinion de l’importance des séquelles. Il demandera des précisions sur les modalités d’apparition de la gêne fonctionnelle ou des douleurs, leur localisation, leur irradiation, leur périodicité, leurs causes déclenchantes mais sans être inquisiteur ni poser des questions qui orientent les réponses. Il conviendra de distinguer les doléances spontanément émises par la victime de celles recueillies sur questions ou encore des constatations faites par l’entourage. L’écoute de l’entourage peut être utile à l’expertise en ce qu’elle permet au médecin de recueillir des informations et des éléments que la victime n’aurait pas exprimés. L’écoute de l’entourage est indispensable lorsqu’il s’agit d’expertise d’enfants, de personnes âgées ou de handicapés graves (traumatisés crâniens en particulier). Ce recueil des doléances est d’autant plus important en pathologie post-traumatique qu’un grand nombre de victimes examinées à la suite d’accidents de la voie publique présentent des séquelles à expression essentiellement subjective.

Cependant, cela ne consiste pas seulement à enregistrer et à reproduire littéralement les plaintes des patients sans commentaire. Cette façon de procéder ne suffit pas et pourrait laisser la porte ouverte à toutes les interprétations. Il appartient à l’expert de remettre en ordre, de structurer cet interrogatoire qu’il est toujours possible de synthétiser sans nuire à l’objectivité. Il convient également de noter qu’il est fréquent que les victimes se présentent avec un listing des doléances qu’elles ont déjà établi au moyen d’une note qui est remise au médecin. Il convient alors d’en prendre connaissance et de proposer à la victime de l’annexer au rapport d’expertise. Celle-ci ne saurait en aucun cas suffire pour considérer que ce chapitre a été développé. Il ne peut s’agir, somme toute, que d’éléments supplémentaires et qui ne dispensent nullement le médecin de procéder au recueil des doléances spontanées et à celles obtenues sur questions.

De plus, il est souhaitable, pour la clarté de la lecture de ce chapitre et la certitude que rien n’aura été oublié, de procéder de façon systématique, appareil par appareil. Cela permet en outre de retrouver également en cas d’aggravation, l’existence ou non d’une doléance sur la fonction ou l’appareil indiqué.

Enfin, l’expert n’omettra pas d’indiquer les fonctions ou appareils qui font l’objet de doléances alors qu’ils ne sont pas initialement réputés comme étant traumatisés, et inversement il notera également les fonctions ou appareils initialement traumatisés qui ne font pas l’objet de doléance. Il convient en fin de chapitre de procéder à une reformulation des doléances exprimées, pour permettre également à la victime de constater qu’elle a été écoutée, entendue et comprise.

 

Point 9 – Antécédents et état antérieur

 

I – TEXTE DE LA MISSION

 « Dans le respect du code de déontologie médicale, interroger la victime sur ses antécédents médicaux, ne les rapporter et ne les discuter que s’ils constituent un état antérieur susceptible d’avoir une incidence sur les lésions, leur évolution et les séquelles présentées ».

  II – COMMENTAIRES

Il convient de rappeler deux textes afin d’expliquer l’importance de ce chapitre.

Tout d’abord l’article 226-13 du Code pénal qui concerne la violation du secret professionnel, et évoque les sanctions relatives à cet élément.

Ensuite, les articles 4 et 72 du Code de déontologie médicale (articles R. 4127-4 et R. 4127-72 du Code de la santé publique) qui traitent du respect du secret médical par le médecin et les personnes qui l’assistent. Seuls doivent être mentionnés dans ce chapitre les éléments du passé pathologique médical ou traumatique pouvant avoir eu une influence sur l’évolution des lésions initiales et/ou l’importance des séquelles, ou avoir été modifiés par le fait traumatique.

À partir du moment où les antécédents médicaux de la victime n’ont subi aucune influence ou n’ont pas modifié l’état séquellaire, ils ne doivent jamais être cités. Les révéler dans le rapport pourrait être interprété comme une violation du secret professionnel dont n’est pas libéré le médecin expert quelle que soit l’origine de sa mission. Le respect du secret médical reste en effet primordial et fondamental, et c’est le violer que de retranscrire des antécédents sans aucun rapport avec les suites de l’accident. Il faut pratiquer tout autant avec discrétion qu’en respectant le secret et manier avec discernement les informations données par la victime pour éliminer de tout rapport d’expertise les problèmes médicaux sans aucune conséquence sur l’accident (mais aussi n’en subissant aucune) ainsi que les découvertes fortuites de maladies qu’il n’appartient pas à l’expert de mettre à jour dans un rapport d’expertise. Ceci est d’autant plus important que, depuis la loi du 4 mars 2002, les patients ont un accès direct à leur dossier médical et qu’ils l’apportent souvent dans son intégralité sans même l’avoir consulté.

 

Point 10 – Examen clinique

 

I – TEXTE DE LA MISSION

 « Procéder à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime. Retranscrire ces constatations dans le rapport ».

II – COMMENTAIRES

L’examen clinique est l’un des piliers de l’expertise et il revêt une importance primordiale ; il doit être réalisé de façon minutieuse et complète. Pour respecter la dignité et l’intimité de la personne examinée, la table d’examen doit être suffisamment isolée. L’examen clinique doit se dérouler, sauf cas particuliers (gynécologie, psychiatrie par exemple), en présence des médecins en leur qualité d’« assistant technique de partie ».

Il est d’usage que les personnes non médecins n’assistent pas à l’examen clinique, mais il peut arriver que la victime souhaite expressément que l’un de ses proches ou son avocat soit présent, auquel cas l’expert ne peut s’y opposer. Cet examen doit être conduit avec rigueur et précision de façon comparative et symétrique en se fondant à la fois sur les données de l’interrogatoire et sur la séméiologie classique qui n’a pas vieilli malgré la sophistication des examens complémentaires. On pourrait multiplier les exemples dans lesquels le résultat d’un examen clinique bien conduit prévaut sur celui des examens paracliniques et sert de base à l’évaluation. Toute région initialement traumatisée doit être systématiquement examinée, même si elle ne fait l’objet d’aucune doléance. De même, toute région faisant l’objet de doléances imputées à l’accident doit être examinée, même si elle est réputée ne pas avoir été initialement traumatisée. Cela permet, dans le premier cas, d’être sûr de l’absence de séquelles, et dans le second de discuter de l’imputabilité avec des bases cliniques.

Il est très important de ne reproduire que ce qui a fait réellement l’objet d’une recherche clinique en sachant préciser aussi les signes cliniques négatifs (exemple d’un tiroir antérieur recherché mais non retrouvé lors de l’examen d’un genou) ; cela peut être un point de repère non négligeable lors d’examens successifs.

Le langage international doit être utilisé, comme on le retrouve généralement dans les certificats médicaux. A titre d’exemple, il faut remplacer le terme « péroné » (ancienne nomenclature) par « fibula » (nouvelle nomenclature).

Ce chapitre doit, si possible, se terminer par une synthèse des éléments retrouvés en langage clair et précis. C’est donc sur la fiabilité de cet examen qu’on pourra estimer les conclusions adaptées, répondre à une contestation éventuelle et discuter ultérieurement d’une aggravation.

A ces séméiologies classiques, il convient d’ajouter la séméiologie psychiatrique trop souvent méconnue, alors qu’une connotation psychiatrique ou au moins psychologique est relativement fréquente en matière de pathologie post-traumatique. Si, dans un certain nombre de cas, cette connotation peut être analysée par l’expert qui en tirera les conclusions médico-légales requises, il lui sera parfois nécessaire de faire appel à un médecin spécialiste – psychiatre – ce qui ne le dispense pas de faire une première analyse suffisamment fiable pour expliciter le problème auprès du spécialiste auquel il aura été amené à solliciter un avis.

Enfin, il convient d’être vigilant lors de la rédaction de ce chapitre : l’informatique ne doit rester qu’une aide « inapparente ».

 

Point 11 – Discussion

 

I – TEXTE DE LA MISSION

 « 11.1. Analyser dans une discussion précise et synthétique l’imputabilité à l’accident des lésions initiales, de leur évolution et des séquelles en prenant en compte, notamment, les doléances de la victime et les données de l’examen clinique ; se prononcer sur le caractère direct et certain de cette imputabilité et indiquer l’incidence éventuelle d’un état antérieur ; 11.2. Répondre ensuite aux points suivants. »

 II – COMMENTAIRES

Le parcours médical de la discussion se fera en trois étapes. Il s’agit d’abord de recueillir l’information, ensuite de la traiter puis de l’exploiter afin de retransmettre « en clair » l’information ainsi développée.

La discussion doit avoir lieu en fin d’expertise, avec la victime et son entourage de façon à pouvoir faire la synthèse en langage clair et précis de ce qui a été précédemment développé et s’assurer que tout a été dit et compris. Lorsque la victime est assistée par un médecin, il est d’usage de prendre en compte ses observations afin de pouvoir répondre dans la discussion aux points particuliers qui auraient été évoqués.

La transcription de la discussion est la transition entre la partie essentiellement médicale du rapport et les conclusions médico-légales ; elle est destinée à « faire comprendre » ces conclusions qui doivent apparaître évidentes à tout lecteur un tant soit peu averti. Il faut donc en bannir les sigles ou abréviations dont la signification reste mystérieuse pour un lecteur non spécialisé. C’est dans ce chapitre que se trouvent les justifications des conclusions. Bien sûr, la discussion d’un rapport n’est pas le résumé des pages précédentes, c’est leur synthèse. C’est enfin dans ce chapitre que seront discutés les problèmes difficiles d’imputabilité. L’imputabilité est la pierre angulaire de l’expertise du dommage corporel.

Le chapitre « discussion » d’un rapport d’expertise n’est pas une rédaction différente, quelque peu résumée, des autres chapitres du rapport. C’est là que doivent être mis en exergue et discutés les éléments marquants du dossier, et surtout les éventuels problèmes posés, comme les difficultés rencontrées pour reconstituer les lésions initiales et pour poser un diagnostic précis des séquelles compte tenu, par exemple, d’une discordance entre les doléances et les constatations cliniques, afin de pouvoir faire la part des choses de ce qui revient au traumatisme lui-même et à un éventuel état antérieur, et surtout pour démontrer l’imputabilité des séquelles à l’accident. Rappelons que la victime est tenue d’apporter la preuve du lien de cause à effet entre le fait traumatique et les séquelles.

Cette preuve, seul le médecin peut la justifier, la nier ou en douter à partir d’éléments strictement techniques, mais il ne lui appartient pas « d’interpréter » le principe juridique de la causalité, ce principe étant du seul ressort du régleur. Bien que l’expert ait été choisi en connaissance de cause et du fait de sa compétence et de sa qualité, il peut arriver que des problèmes d’imputabilité se posent lorsqu’il existe une difficulté touchant une discipline autre que celle exercée par l’expert. Il s’agira alors de recourir à un « sapiteur », spécialiste d’une autre discipline que celle de l’expert. En effet, il est justifié de faire appel à un tel spécialiste dans les cas de problème d’imputabilité, de diagnostic de l’état séquellaire ou de l’état initial, et de l’imputabilité existant entre les deux. Il y a également nécessité de faire appel à un spécialiste lorsque l’examen nécessite des matériels particuliers (ORL, Ophtalmologie…). Bien entendu, l’appel au spécialiste se fera en tenant informé le donneur de mission, en adressant à ce dernier le même pré-rapport que celui adressé au sapiteur, et en joignant aux deux la mission d’expertise spécifique qui aura été rédigée à cet effet. L’avis du sapiteur sera ensuite utilisé par l’expert dans sa discussion, pour pouvoir développer celle-ci et proposer des conclusions appropriées, justifiées et motivées.

Mission d’expertise médicale 2009 – Mise à jour 2014 – Commentaire des points 6 à 11