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Mission d’expertise médicale 2009 – Mise à jour 2014 – Commentaire du point 13

Point 13 – L’arrêt temporaire des activités professionnelles constitutif des Pertes de Gains Professionnels Actuels (PGPA)

 

I – TEXTE DE LA MISSION

« En cas d’arrêt temporaire des activités professionnelles, en préciser la durée et les conditions de reprise. En discuter l’imputabilité à l’accident en fonction des lésions et de leur évolution rapportées à l’activité exercée ».

 

II – COMMENTAIRES

1. Bref historique

Jusqu’en 1987, aucune distinction n’était faite entre les aspects personnels et professionnels des dommages subis par une victime avant consolidation. A cette date, c’est la commission de réflexion sur la doctrine et la méthodologie de l’évaluation du dommage corporel en droit commun, présidée par Michel Olivier, qui a proposé que l’incapacité temporaire totale soit systématiquement étudiée sous deux aspects, l’un correspondant à la durée d’arrêt complet des activités personnelles et l’autre n’étant apprécié que si la victime exerçait une activité professionnelle. En 1994, des définitions consensuelles avaient permis de définir l’incapacité temporaire en fonction de l’exercice ou non d’une activité rémunérée. La mission AREDOC 1994 demandait au médecin de décrire précisément les gênes et conséquences des lésions et leur incidence sur la vie personnelle de la victime.

Jusqu’en 2005, ces termes d’Incapacité Temporaire Totale (ITT) et d’Incapacité Temporaire Partielle (ITP) continuaient cependant à être utilisés, entretenant la confusion entre les gênes professionnelles et personnelles subies par la victime dans sa vie quotidienne. Le caractère hybride de cette ITT a conduit la commission présidée par Jean-Pierre Dintilhac, en 2005, à proposer de distinguer clairement la sphère personnelle et la sphère professionnelle d’une même victime par la création de deux postes de préjudice : le Déficit Fonctionnel Temporaire (DFT), pour les aspects personnels, et les Pertes de Gains Professionnels Actuels (PGPA), pour les aspects professionnels. Cette distinction a été reprise dans la mission et fait l’objet de deux questions (point 12 et point 13).

2. Définition

La nomenclature Dintilhac définit ce poste de préjudice de la façon suivante : Ce sont« les pertes actuelles de revenus éprouvées par cette victime du fait de son dommage. Il s’agit là de compenser une invalidité temporaire spécifique qui concerne uniquement les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime jusqu’à sa consolidation. (…) Ces pertes de gains peuvent être totales, c’est-à-dire priver la victime de la totalité des revenus qu’elle aurait normalement perçus pendant la maladie traumatique en l’absence de survenance du dommage, ou être partielles, c’est-à-dire la priver d’une partie de ses revenus sur cette période ».

3. Raisonnement médico-légale

A – Nature de l’activité professionnelle

Pour répondre précisément à la question posée, le médecin devra se reporter au point 3 de la mission qui lui demande notamment de fournir le maximum de renseignements sur le mode de vie de la victime, ses conditions d’activités professionnelles, son statut exact…
En effet, la profession exercée au moment de l’accident fait partie des éléments indispensables au dossier : le médecin demandera à la victime des précisions sur son activité professionnelle afin de mieux en cerner les contours (conditions de travail, sédentaire ou non par exemple). Il conviendra d’éviter l’usage de termes génériques très flous (fonctionnaire, salarié) qui ne rendent pas compte de l’activité réellement exercée et de bien préciser la nature du poste occupé et le mode d’exercice de l’activité (salarié, profession libérale, commerçant, artisan…).
Pour mieux connaître les conditions d’exercice de l’activité d’un salarié, le médecin peut aussi se faire communiquer par lui sa fiche de poste.
Concernant le demandeur d’emploi, le médecin s’attachera, dans la mesure du possible, à recueillir quelle était la qualification précise et la nature du poste recherché par la victime au moment de l’accident.

B – Imputabilité et détermination de la durée de l’interruption des activités professionnelles

Muni de ces informations, le médecin précisera en quoi les lésions et leur évolution ont empêché l’intéressé d’exercer de manière totale ou partielle son activité professionnelle ou l’ont empêché d’accepter un emploi s’il était demandeur d’emploi au moment de l’accident.

Le médecin prendra connaissance des prescriptions d’arrêt de travail que lui fournit la victime. Celles-ci, délivrées par le ou les médecins ayant participé au traite
ment ne correspondent pas toujours aux critères qui fondent le raisonnement médico-légal. En effet, la victime peut être porteuse d’une pathologie intercurrente. Le médecin traitant aura pu tenir compte, sur une même prescription, de la répercussion fonctionnelle des lésions traumatiques, d’une altération de l’état général dû à une affection concomitante ou à un état antérieur, ou de l’environnement socio-familial, etc. Mais le médecin expert n’est pas tenu par ces prescriptions ; il devra donc préciser les périodes d’arrêt d’activité qui sont liées à l’accident initial.

Si la totalité de l’arrêt de travail prescrit ne lui paraît pas en relation certaine, directe et exclusive avec les lésions subies lors de l’accident, ou avec l’événement causal, l’expert doit s’en expliquer, sans pour autant se prononcer sur la validité de cet arrêt de travail prolongé. Il n’appartient pas au médecin expert de « remettre les victimes au travail », pas plus que de donner un avis critique sur les prescriptions des médecins traitants, mais de se prononcer seulement sur leur imputabilité.Si la victime bénéficie d’un arrêt de travail à temps partiel, l’expert devra préciser les conditions d’aménagement du temps de travail imputable.

En ce qui concerne les demandeurs d’emploi, la détermination de la durée de l’interruption des activités professionnelles est plus difficile, puisque le médecin ne peut disposer d’une connaissance précise d’une activité professionnelle exercée. Si la victime avait perdu, peu de temps avant l’accident, un emploi régulièrement exercé et nécessitant une qualification précise, la période d’interruption pourra être déterminée en s’interrogeant sur la possibilité qu’aurait eue la victime d’accepter ou non un emploi dans sa qualification et en la confrontant aux blessures subies et à leur évolution. Si, au contraire, la victime ne possède pas de qualification précise et recherchait depuis longtemps un emploi, il sera plus difficile de déterminer une période précise. Mais l’expérience et le bon sens permettent le plus souvent d’apporter une réponse logique, en s’appuyant plus spécifiquement sur les conséquences médicales des blessures et de leur évolution.

Il est parfois fait état par la victime de conséquences particulières de cet arrêt de travail sur l’activité de son entreprise, comme par exemple l’obligation dans laquelle elle s’est trouvée d’embaucher un remplaçant partiellement ou totalement. Le rôle du médecin sera alors essentiellement, non pas de justifier cette embauche ou ce remplacement, mais de préciser que l’intéressé était effectivement incapable d’exercer lui-même son activité professionnelle.

Un problème particulier se pose lorsqu’une personne ayant une activité professionnelle est en arrêt de travail pour des raisons médicales (ou sociales) et qu’elle est victime, pendant cette période, d’un accident l’empêchant d’effectuer les activités que son état lui permettait de poursuivre (par exemple, femme enceinte victime d’un accident pendant son congé de maternité). Le médecin expert doit clairement se prononcer sur la durée d’interruption professionnelle qui aurait été justifiée par les lésions imputables, en l’absence d’état intercurrent.

Mission d’expertise médicale 2009 – Mise à jour 2014 – Commentaire du point 13