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Mission d’expertise médicale 2009 – Mise à jour 2014 – Commentaire du point 14

Point 14 – Souffrances endurées

 

I – TEXTE DE LA MISSION

« Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales liées à l’accident s’étendant de la date de celui-ci à la date de consolidation. Elles sont représentées par “ la douleur physique consécutive à la gravité des blessures, à leur évolution, à la nature, la durée et le nombre d’hospitalisations, à l’intensité et au caractère astreignant des soins auxquels s’ajoutent les souffrances psychiques et morales représentées par les troubles et phénomènes émotionnels découlant de la situation engendrée par l’accident et que le médecin sait être habituellement liées à la nature des lésions et à leur évolution. Elles s’évaluent selon l’échelle habituelle de 7 degrés ».

II – COMMENTAIRES

1. Bref historique

En 1959, Max Leroy décrivait la douleur comme un symptôme essentiellement fonctionnel, ne connaissant pas de procédé de mesure, son évaluation ne pouvait être basée que sur les dires, les manifestations cliniques et l’utilisation de produits antalgiques. Le terme générique de pretium doloris, utilisé à l’époque, a été scindé dans les années 70, cette appellation devant être réservée pour indiquer le montant accordé à la victime pour indemniser le quantum qui, lui, est évalué par le médecin expert. De manière parallèle, alors que seules étaient prises en considération les douleurs physiques du jour de l’accident jusqu’à la date de consolidation, progressivement ont été intégrées les souffrances morales, puis les troubles dans les conditions d’existence et enfin, pour les séquelles ne justifiant pas d’incapacité permanente partielle, les douleurs après consolidation, tout ceci étant englobé sous le terme de souffrances endurées. Différentes échelles d’évaluation ont été proposées avec le recours à des adjectifs qui allaient de très léger à très important en passant par les termes « léger, modéré, moyen, assez important, important » qui n’étaient pas toujours bien compris par les victimes. Ce mode d’évaluation a été progressivement abandonné pour laisser la place à la quantification selon une échelle numérique à 7 degrés. Mais aujourd’hui comme hier persistent des difficultés à objectiver le subjectif, à quantifier l’impalpable.

2. Définition 

La nomenclature Dintilhac définit ainsi ce poste de préjudice : « Il s’agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c’est-à-dire du jour de l’accident à celui de sa consolidation. En effet, à compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre ».

3. Mode d’évaluation, outils, aides

Afin de permettre au médecin de mieux répondre à cette question, cette demande s’accompagne d’une définition à la fois plus médicale et plus précise que celle du rapport Dintilhac : Elles sont représentées par « la douleur physique consécutive à la gravité des blessures, à leur évolution, à la nature, la durée et le nombre d’hospitalisations, à l’intensité et au caractère astreignant des soins auxquels s’ajoutent les souffrances psychiques et morales représentées par les troubles et phénomènes émotionnels découlant de la situation engendrée par l’accident et que le médecin sait être habituellement liées à la nature des lésions et à leur évolution. Elles s’évaluent selon l’échelle habituelle de 7 degrés ». C’est au médecin expert qu’il appartient d’apprécier précisément l’importance des souffrances endurées afin de permettre au magistrat ou à l’assureur de les indemniser.

En effet, seul le médecin est apte, par sa formation, à se prononcer sur l’importance, la nature et la durée des douleurs engendrées par telles ou telles lésions initiales, par leur traitement et leurs conséquences sur la vie quotidienne, à connaître l’efficacité des thérapeutiques, en particulier antalgiques, employées, à suivre l’évolution des techniques médico-chirurgicales qui, depuis quelques années, ont permis de diminuer notablement la pénibilité induite par les traitements, en particulier chirurgicaux.
Son expérience médicale et médico-légale lui permet d’avoir une appréciation aussi proche que possible de la réalité. Il doit expliciter dans tous les cas les arguments qui lui ont fait retenir tel degré de l’échelle et bien préciser qu’il aura tenu compte non seulement des douleurs physiques mais également des douleurs psychiques et morales et leurs conséquences, en s’appuyant sur la définition ci-dessus.

Les souffrances morales ressenties par la victime sont celles liées à ses propres blessures ; elles ne doivent pas être confondues avec le dommage subi par le décès d’un proche, qui sera réparé au titre du préjudice d’affection.

Pour évaluer les souffrances endurées, l’expert utilise une échelle de sept degrés. L’extrême diversité des lésions engendrées par les accidents, les progrès des techniques permettant la survie de blessés de plus en plus gravement atteints ont rendu cette échelle à sept termes insuffisante pour rendre compte de toutes les situations et pour traduire la différence entre les cas les plus bénins et les cas les plus graves. Les experts se sont donc progressivement habitués à utiliser des demi-degrés : 0,5/7 ; 1,5/7 ; 2,5/7 ; etc.

Afin de retrouver les facteurs déterminants de l’importance des douleurs utilisés pour l’évaluation, l’expert recherchera des éléments objectifs grâce à l’interrogatoire et à l’analyse des pièces médicales.

Il s’appuiera notamment sur :

– la nature du fait accidentel ou offensif,

– la durée, la contrainte, la sévérité et la brutalité du fait,

– le degré de mépris ou réification exercé sur la victime,

– le nombre de blessures et leur importance,

– le contexte de l’accident, ses circonstances, les suites immédiates et le vécu psychologique,

– le nombre d’interventions chirurgicales et la durée des hospitalisations,

– le nombre de séances de rééducation ou de soins infirmiers,

– la nature des thérapeutiques prescrites : • La consommation d’antalgiques : niveau 1, niveau 2, niveau 3 (morphiniques ou non morphiniques) ; • La consommation de psychotropes.

– l’étude des échelles visuelles analogiques est également un élément dont l’expert peut tenir compte pour argumenter son évaluation.

Le médecin peut s’aider du travail commun élaboré en 2007 par la Société Française de Médecine Légale (SFML) et la Fédération Française des Associations de Médecins Conseils Experts en évaluation du dommage corporel (FFAMCE) intitulé « Grille indicative d’évaluation des souffrances endurées destinée aux médecins experts » (Rev. franç. dommage corp., 2011, 35-3, 263-267.).

A – En l’absence d’un taux d’AIPP

Par définition, les souffrances endurées sont de nature temporaire et concernent celles subies entre l’accident et la consolidation. Cependant, certains phénomènes algiques, dont la nature et l’absence de permanence ne donnent pas lieu à un pourcentage d’AIPP, peuvent être retrouvés au moment de la consolidation. Dans ce cas, le médecin précisera qu’ils sont pris en compte dans l’évaluation des souffrances endurées.

B – En présence d’un taux d’AIPP

Les douleurs persistantes après consolidation, alors qu’il existe une AIPP, font partie intégrante du taux proposé.

La nomenclature Dintilhac précise en effet : « à compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre ».

De plus, cet aspect est précisément décrit dans la définition de l’AIPP qui indique : « à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques normalement liés à l’atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours ». Cette définition ayant servi de base à l’élaboration du barème publié par le Concours médical en 2001, les douleurs accompagnant les gênes fonctionnelles et leurs répercussions ont bien été prises en compte dans les taux d’AIPP proposés par les spécialistes lors de leurs travaux. Il convient donc que le médecin indique dans son rapport d’expertise qu’il a tenu compte de ces douleurs post-consolidation dans le taux d’AIPP.

Mission d’expertise médicale 2009 – Mise à jour 2014 – Commentaire du point 14