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Mission d’expertise médicale 2009 – Mise à jour 2014 – Commentaire du point 17

Point 17 – Dommage esthétique constitutif du Préjudice Esthétique Permanent (PEP)

 

I – TEXTE DE LA MISSION

« “Ce poste cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l’apparence physique de la victime notamment comme le fait de devoir se présenter avec une cicatrice permanente sur le visage.
Ce préjudice a un caractère strictement personnel et il est en principe évalué par les experts selon une échelle de 1 à 7 (de très léger à très important)”.
Donner un avis sur l’existence, la nature et l’importance du dommage esthétique imputable à l’accident. L’évaluer selon l’échelle habituelle de 7 degrés, indépendamment de l’éventuelle atteinte physiologique déjà prise en compte au titre de l’Atteinte permanente à l’Intégrité Physique et Psychique ».

II – COMMENTAIRES

1. BREF HISTORIQUE

Plutôt accueillie avec réticence, la réparation de l’atteinte à l’esthétique a été ensuite admise systématiquement dans les années 50.
Outre les cicatrices auxquelles on songe spontanément, les séquelles telles que les amputations ou les boiteries entraînent évidemment une importante atteinte à l’esthétique.

2. DÉFINITION

La nomenclature Dintilhac définit le préjudice esthétique permanent ainsi :
« Ce poste cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l’apparence physique de la victime notamment comme le fait de devoir se présenter avec une cicatrice permanente sur le visage. Ce préjudice a un caractère strictement personnel et il est en principe évalué par les experts selon une échelle de 1 à 7 (de très léger à très important) ».

Il s’agit de l’ensemble des disgrâces physiques, cicatrices ou déformations majeures imputables à l’accident et dont reste porteur la victime après consolidation. Font également partie du dommage esthétique, le fait de se déplacer en fauteuil roulant, d’utiliser une prothèse de remplacement, etc. Les degrés de l’échelle utilisée pour l’évaluation du dommage esthétique, auparavant en adjectifs, puis actuellement en demi-degrés sont les mêmes que pour les souffrances endurées, de 0,5 à 7/7.

3. RAISONNEMENT MÉDICO-LÉGAL ET ÉVALUATION

Pour évaluer ce dommage, le médecin a l’expérience et la compétence qui lui permettent de se  prononcer sur l’imputabilité à l’accident d’une disgrâce ou d’une cicatrice, sur son évolution la plus probable, sur son accessibilité à une thérapeutique médicale ou chirurgicale. Le médecin
expert ne doit pas se contenter de qualifier le dommage esthétique, il doit motiver son choix en décrivant les éléments constitutifs de ce dommage.

Il s’agit, le plus souvent, d’une cicatrice dont il faut préciser le siège, les dimensions, la coloration, le fait qu’elle attire plus ou moins le regard, son évolution la plus probable.

Lorsqu’il existe de multiples cicatrices, il est parfois difficile de trouver le juste équilibre  entre une description concise mais précise et une description trop méticuleuse nuisant à la  représentation que doit s’en faire le lecteur. Pour contourner cet obstacle, il a été proposé de
joindre des photographies au rapport. C’est théoriquement la solution idéale, mais elle se heurte  à un certain nombre de difficultés. En effet, si les photographies sont apportées par le patient,  il est difficile de savoir à quelle date elles ont été prises, et si la technique employée n’a pas
« valorisé » la cicatrice. Si, avec l’autorisation du patient, le médecin expert procède lui-même  aux photographies, elles se doivent d’être d’une qualité suffisante pour remplir leur but, ce qui  est loin d’être facile, si l’expert n’est pas un « amateur éclairé » de la photographie.

En tout état de cause, cela ne dispense jamais le médecin d’en faire la description anatomique  fidèle qui reste la meilleure méthode d’appréciation objective. L’évolution de la plupart des  cicatrices est longue, de l’ordre de 18 à 24 mois. Dans nombre de dossiers, les autres séquelles  sont stabilisées alors que le dommage esthétique ne l’est pas. Lorsque ce dommage est peu  important, l’expert peut pro- poser une quantification tenant compte (ce qu’il doit préciser) de  l’évolution la plus probable.

Dans tous les cas, l’expert devra évaluer le dommage esthétique in abstracto.

• Critères d’évaluation

L’expert qualifie le dommage esthétique uniquement en fonction de l’importance de la lésion anatomique provoquant une disgrâce et de sa situation l’exposant plus ou moins au regard des autres dans les conditions habituelles de la vie sociale,
même si, en pratique, il est parfois difficile de s’extraire du contexte global. Il n’a pas à faire référence à l’âge ou au sexe de la victime ni à la répercussion économique éventuelle. Si le dommage esthétique a un retentissement professionnel (certaines disgrâces peuvent rendre difficile l’exercice de professions obligeant au contact avec le public), il appartient à l’expert de se prononcer sur l’incidence de ce dommage sur la profession exercée au moment de l’accident, mais il ne devra pas en tenir compte dans son évaluation médico-légale. Ces conséquences étant prises en compte dans l’indemnisation.
Le même dommage esthétique chez des individus de même sexe et d’âge similaire peut être vécu d’une manière très différente. Il existe presque toujours une part psychologique dans le vécu du dommage esthétique, mais la difficulté à assumer une disgrâce peut prendre des dimensions psychopathologiques. Il n’appartient pas au médecin expert de majorer la quantification du dommage esthétique pour tenir compte de ce facteur mais il doit l’analyser dans son rapport et en tirer toute conclusion sur son éventuelle permanence.

• Accessibilité à la thérapeutique

Le médecin expert doit aussi donner son avis sur l’accessibilité du dommage esthétique à la thérapeutique, médicale ou chirurgicale, en sollicitant le cas échéant l’avis d’un spécialiste.
Si la victime souhaite bénéficier d’une thérapeutique adaptée, il conviendra d’estimer le dommage avec un recul suffisant, c’est-à-dire à distance du traitement pratiqué, en particulier chirurgical. En revanche, si une victime ne souhaite pas de traitement – et on ne peut le lui imposer – l’expert doit alors quantifier le dommage tel qu’il existe lors de son examen et donner une information sur ce qu’il pourrait probablement devenir après les traitements, dont il précisera exactement la nature en indiquant, in fine, le refus du patient.
Bien souvent les patients, ou les parents s’il s’agit d’enfants, souhaitent avoir recours à la chirurgie esthétique alors que l’indication est loin d’être évidente. L’expert doit donner son avis sur cette indication et quantifier le dommage en l’état s’il lui paraît stabilisé.
Le problème de l’indication d’une correction chirurgicale à moyen terme se pose fréquemment pour les enfants lorsque le dommage esthétique n’est que modéré. Si les cicatrices s’allongent en même temps que la croissance de l’enfant, leur aspect s’améliore très notablement et ce dernier processus l’emporte presque toujours sur le premier, si bien que rares sont les jeunes filles ou jeunes gens qui se
font opérer à la fin de leur croissance. Cependant, dans le cas où les parents souhaitent expressément « réserver » les droits de leur enfant pour l’avenir, l’expert doit donner toutes les explications nécessaires.

Bien entendu, le médecin devra tenir compte des techniques de chirurgie plastique et de chirurgie esthétique, ainsi que de la médecine esthétique dont les techniques évoluent beaucoup, qui ont un coût important et qui ne sont généralement pas systématiquement prises en considération par les organismes sociaux. Le médecin expert doit vérifier que l’acte est pris en charge ou non dans la CCAM – Classification Commune des Actes Médicaux – chaque acte étant classé par fiche pratique ; ainsi, pour une rhinoseptoplastie sans ostéotomie, le code est GAMA 001 et le prix de l’acte pour l’année 2015 est 225,46 € (Prix au 1er janvier 2015 ; classification disponible en ligne : www.ameli.fr).
Le médecin sera donc dans la nécessité de bien préciser au donneur de mission si le devis présenté pour de telles interventions esthétiques est conforme aux règles de l’art et à ce qui est pratiqué habituellement pour le type d’intervention proposé.
Du fait des progrès de la chirurgie plastique et de la médecine dermo-esthétique, les médecins experts doivent être au fait des nouvelles techniques comme les injections d’acide hyaluronique, les dermabrasions et les traitements de cicatrices ou d’hyperpigmentations au laser.

Les outils d’évaluation du dommage esthétique sont rares dans la littérature. Le barème de la Société Française de Médecine Légale (Société Française de Médecine Légale – Barème d’évaluation médico-légale, Paris 2000, Eska éd.) donne quelques exemples pratiques d’évaluation du dommage esthétique qui sont tout à fait utiles au quotidien.
Il peut être utile également de consulter l’article « Evaluation du dommage esthétique de la face : la méthode des distances » (D. Rougé, A. Blanc, N.Telmon, F. Ster ; RFDC 1996, 22-4, p. 363-374).

Mission d’expertise médicale 2009 – Mise à jour 2014 – Commentaire du point 17