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Mission d’expertise médicale 2009 – Mise à jour 2014 – Commentaire du point 18-1

Point 18-1 – Répercussions des séquelles sur les activités professionnelles constitutives des Pertes de Gains Professionnels Futurs (PGPF), de l’Incidence Professionnelle (IP), d’un Préjudice Scolaire Universitaire et de Formation (PSUF)

 

I – TEXTE DE LA MISSION

« En cas de répercussion dans l’exercice des activités professionnelles de la victime ou d’une modification de la formation prévue ou de son abandon (s’il s’agit d’un écolier, d’un étudiant ou d’un élève en cours de formation professionnelle), émettre un avis motivé en discutant son imputabilité à l’accident, aux lésions et aux séquelles retenues. Se prononcer sur son caractère direct et certain et son aspect définitif. »

 

II – COMMENTAIRES

1. BREF HISTORIQUE

En 1898, la loi sur la réparation des accidents du travail préconisait l’indemnisation de l’Incapacité Permanente Partielle (IPP) en fonction de la perte de gains de la victime. L’extension de cette notion d’incapacité permanente partielle aux autres cadres juridiques visant à indemniser les séquelles d’accidents, a entraîné une confusion entre la part physiologique, donc non économique de cette IPP, et ses conséquences sur les activités professionnelles qui, elles, ont une incidence économique.

Progressivement, il a été demandé au médecin de se prononcer sur l’incidence éventuelle des séquelles sur l’activité professionnelle et/ou scolaire et universitaire de la victime au moment de l’accident. C’était déjà le cas dans la mission droit commun 1994.

Le groupe de travail présidé par Jean-Pierre Dintilhac en 2005 a distingué trois postes de préjudice : les pertes de gains professionnels futurs, l’incidence professionnelle et le préjudice scolaire universitaire et de formation, dont les définitions suivent.

2. DÉFINITION

• Pertes de Gains Professionnels Futurs (PGPF)

« Il s’agit d’indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l’incapacité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage. Il s’agit d’indemniser une invalidité spécifique, partielle ou totale qui entraîne une perte ou une diminution directe de ses revenus professionnels futurs à compter de la date de consolidation. Cette perte ou diminution des gains professionnels peut provenir soit de la perte de son emploi par la victime, soit de l’obligation pour celle-ci d’exercer un emploi à temps partiel à la suite du dommage consolidé. Ce poste n’englobe pas les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste qui ne sont que des conséquences indirectes du dommage (…) ».

• L’Incidence professionnelle (IP)

« Cette incidence professionnelle à caractère définitif a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle, ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage au profit d’une autre qu’elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap. Il convient en outre de classer dans ce poste les frais de reclassement, de formation ou de changement de poste (…) ».

• Le Préjudice Scolaire Universitaire ou de Formation (PSUF)

« Ce poste (…) a pour objet de réparer la perte d’année(s) d’étude que ce soit scolaire, universitaire de formation ou autre, consécutive à la survenance du dommage subi par la victime directe.
Ce poste intègre, en outre, non seulement le retard scolaire ou de formation subi, mais aussi une possible modification d’orientation, voire une renonciation à toute formation qui obère ainsi gravement l’intégration de la victime dans le monde du travail ».

3. RAISONNEMENT MÉDICO-LÉGAL

A – LA RÉPERCUSSION PROFESSIONNELLE

Pour répondre précisément à la question posée, le médecin devra se reporter au point 3 de la mission qui lui demande notamment de « fournir le maximum de renseignements sur son [la victime] mode de vie, ses conditions d’activités professionnelles, son statut exact… ».

En effet, la profession exercée au moment de l’accident fait partie des éléments indispensables au dossier : le médecin demandera à la victime des précisions sur son activité professionnelle afin de mieux en cerner les contours (conditions de travail, sédentaire ou non par exemple). Il conviendra d’éviter l’usage de termes génériques très flous (fonctionnaire, salarié) qui ne rendent pas compte de l’activité réellement exercée et de bien préciser la nature du poste occupé et le mode d’exercice de l’activité (salarié, profession libérale, commerçant, artisan, agriculteur, etc.).

Pour mieux connaitre les conditions d’exercice de son activité, le médecin peut demander au salarié la communication de sa fiche de poste.

Concernant le demandeur d’emploi, le médecin s’attachera, dans la mesure du possible, à recueillir quelle était la qualification précise et la nature du poste recherché par la victime au moment de l’accident.

Le rôle du médecin sera de discuter l’imputabilité du retentissement professionnel aux séquelles retenues : il devra se poser essentiellement la question de savoir si un retentissement professionnel existe et quelle est sa nature (abandon de la profession exercée au moment de l’accident avec ou non possibilité de poursuivre une autre activité, aménagement de l’activité exercée, maintien de l’activité exercée avec des conséquences spécifiques) compte tenu d’une part, des séquelles présentées et d’autre part, du poste occupé.

L’inaptitude à l’exercice d’une profession dépend, à parts égales, de deux facteurs : le handicap que présente la personne et les modalités d’exercice de la profession.
Si le médecin expert possède tous les éléments pour apprécier le handicap, en revanche, il ne connaît les modalités d’exercice de la profession que par les dires de la victime et, sauf mission expresse exceptionnelle, il ne lui appartient pas de se livrer à une enquête pour les vérifier.

En effet, pour la plupart des salariés les modalités de l’exercice professionnel peuvent être assez facilement appréciées, mais il n’en est pas de même pour les travailleurs non-salariés (professions libérales, artisans, commerçants, professions agricoles). A partir, notamment, des déclarations de l’intéressé et des fiches d’aptitude ou d’inaptitude de la médecine du travail, le médecin devra donner son avis sur les possibilités de reprise partielle ou totale de sa profession.

Certaines séquelles peuvent entraîner légalement l’inaptitude à certaines professions, essentiellement pour des motifs de sécurité. Ce sont, par exemple, certains déficits visuels ou une comitialité. L’expert ne peut qu’entériner ces inaptitudes légales ou réglementaires en donnant cependant toutes précisions utiles sur les textes les régissant.
La nature des séquelles peut conduire à l’abandon de la profession exercée antérieurement, mais toutefois permettre l’exercice d’une autre profession. Il n’appartient pas au médecin d’apprécier la nature de la profession qu’il pourrait exercer mais de se prononcer sur la justification médicale de ce reclassement. L’expert interrogera la victime sur une éventuelle décision de reclassement professionnel déjà prise par une Commission des Droits de l’Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH, ancienne COTOREP) car, même si le médecin expert n’est pas lié par cette décision, il lui appartient de donner son avis en la matière.

Bien qu’ayant repris la même activité professionnelle, la victime peut alléguer que les séquelles de l’accident constituent une gêne dans l’exercice de son activité ou qu’elle a perdu des chances de promotion. L’expert devra se prononcer, dans la mesure du possible, en restant sur le terrain strictement médical, sur la vraisemblance de ces difficultés compte tenu des séquelles.

Pour cela, le médecin devra confronter cette doléance aux séquelles, faire préciser les tâches ou les actes déclarés plus pénibles en indiquant s’ils sont spécifiques à l’activité et en se prononçant sur la cohérence de ces doléances au regard des séquelles présentées et de son examen clinique.

Ensuite, il devra préciser s’il prend en compte cette gêne dans le taux d’AIPP au titre « des conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours » selon la définition de l’AIPP ou, dans la mesure où elle entraîne un réel retentissement objectivé sur les tâches et actes spécifiques à la profession, au titre d’une pénibilité accrue.

Ainsi, après avoir discuté l’imputabilité de ce retentissement professionnel aux séquelles présentées, le médecin aura à préciser la nature de celui-ci en ce qui concerne une reprise au même poste avec difficultés, un reclassement ou changement de poste dans la même entreprise, ou non, ou l’abandon de l’activité en tout ou partie, voire de toute activité professionnelle.
En fonction des éléments retenus par l’expert, le magistrat ou l’assureur indemnisera ce retentissement professionnel au titre des pertes de gains professionnels futurs ou de l’incidence professionnelle.

B – La répercussion scolaire et universitaire

Pour répondre précisément à la question posée, le médecin devra se reporter au point 3 de la mission qui lui demande notamment de préciser « s’il s’agit d’un enfant, d’un étudiant ou d’un élève en formation professionnelle, son niveau scolaire, la nature de ses diplômes ou de sa formation ». Le médecin s’attachera à décrire le cursus scolaire ou universitaire.

A partir de ces éléments et en fonction des séquelles, le médecin devra se prononcer sur l’impossibilité de pouvoir pratiquer la profession à laquelle il se destinait de façon certaine, voire toute profession. Dès lors que la victime fait état d’une impossibilité de poursuivre ses études, le rôle du médecin sera de discuter de l’imputabilité de ces allégations aux séquelles retenues.

Enfin, l’appréciation de l’existence d’une perte de chance sera prise en compte par le régleur ou le magistrat au travers du descriptif établi par le médecin.

Mission d’expertise médicale 2009 – Mise à jour 2014 – Commentaire du point 18-1