Nos publications

Mission d’expertise médicale 2009 – Mise à jour 2014 – Commentaire du point 19

Point 19 – Soins médicaux après consolidation / frais futurs correspondant aux Dépenses de Santé Futures (DSF)

 

I – TEXTE DE LA MISSION

« Se prononcer sur la nécessité de soins médicaux, paramédicaux, d’appareillage ou de prothèse, nécessaires après consolidation pour éviter une aggravation de l’état séquellaire ; justifier l’imputabilité des soins à l’accident en cause en précisant s’il s’agit de frais occasionnels c’est-à-dire limités dans le temps ou de frais viagers, c’est-à-dire engagés la vie durant. »

II – COMMENTAIRES

1. BREF HISTORIQUE

Jusqu’à juin 1978, la date de consolidation marquait la fin des soins dont la victime et les organismes sociaux pouvaient demander remboursement, sauf réouverture du dossier en aggravation.    La consolidation scellait dans la plupart des cas la clôture du dossier.

Un important arrêt de l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation rendu le 9 juin 1978 ( Aff. Ville de Bordeaux ) a mis à la charge du responsable de l’accident les frais médicaux dispensés à la victime la vie durant, dans la mesure de leur justification et de leur imputabilité.

Dans la lignée de cette jurisprudence, a été élaboré en mai 1983 ( Mis à jour depuis, conformément à la nomenclature Dintilhac ) un protocole d’accord (PAOS) entre les assureurs et les organismes sociaux, afin d’apporter une solution conventionnelle au règlement des accidents de la circulation. Ce protocole n’est pas opposable à la victime et, dans le cadre du droit commun, les organismes sociaux peuvent opérer une évaluation forfaitaire des frais prévisibles et futurs, temporaires ou viagers.

2. DÉFINITION

La nomenclature Dintilhac définit ce poste de préjudice ainsi :

« Les dépenses de santé futures sont les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l’état pathologique de la victime après la consolidation. Ils sont postérieurs à la consolidation de la victime, dès lors qu’ils sont médicalement prévisibles, répétitifs et rendus nécessaires par l’état pathologique permanent et chronique de la victime après sa consolidation définitive (frais liés à des hospitalisations périodiques dans un établissement de santé, à un suivi médical assorti d’analyses, à des examens et des actes périodiques, des soins infirmiers, ou autres frais occasionnels, etc.). Ces frais futurs ne se limitent pas aux frais médicaux au sens strict : ils incluent, en outre, les frais liés soit à l’installation de prothèses pour les membres, les dents, les oreilles ou les yeux, soit à la pose d’appareillages spécifiques qui sont nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique permanent qui demeure après la consolidation ».

3. RAISONNEMENT MÉDICO-LÉGAL

Afin de répondre précisément à cette question, le médecin devra faire figurer dans son rapport la description des soins prévisibles ou certains qui seront dispensés après consolidation. Il doit donc en vérifier la réalité, la nature, leur justification médicale pour empêcher l’aggravation de l’état séquellaire, leur imputabilité en écartant, le cas échéant, ceux qui pourraient relever d’un état antérieur et les exposer dans son rapport. Par ailleurs, il peut être nécessaire pour la gestion du dossier de donner un avis sur un devis (dentaire ou esthétique) présenté lors de l’expertise.

Lorsqu’il existe un état antérieur ou intercurrent justifiant des soins au long cours, il est important que le médecin précise que ces frais médicaux sont totalement indépendants de l’accident. Que les soins futurs soient pris ou non en compte par les organismes sociaux, le médecin doit, dans tous les cas, se prononcer sur leur justification et en discuter leur imputabilité à l’accident.
Pour établir la nature et la nécessité des soins futurs, le médecin devra s’appuyer sur les bonnes pratiques développées par la Haute Autorité de Santé et décrites dans les conférences de consensus qui répondent au concept « evidence based medecine » (médecine factuelle).

Pour s’aider dans l’appréciation de ces soins après consolidation, le médecin pourra se référer à la brochure intitulée « Soins après consolidation et frais médicaux futurs » élaborée par l’AREDOC en octobre 2008 (Brochure disponible en ligne sur le site www.aredoc.com).

4. NATURE DES SOINS FUTURS

A – LES PRESTATIONS OCCASIONNELLES

Elles correspondent à des frais limités en nombre ou dans le temps, c’est-à-dire qui ne seront pas renouvelés ou ne seront renouvelés que pour une durée limitée après la stabilisation de l’état séquellaire :

– Poursuite d’un traitement en cours alors que la consolidation est pratiquement acquise ou la guérison sur le point d’être obtenue (antalgiques ou séances de rééducation sur une durée limitée, cure(s) thermale(s) dans des cas très particuliers, pour les séquelles de brûlures par exemple).

– Ablation du matériel d’ostéosynthèse, l’expert pouvant alors procéder à une évaluation définitive du dommage corporel s’il pense que cette ablation du matériel ne modifiera pas les séquelles. Cette ablation doit être certaine ou très probable. Le médecin doit donc l’indiquer très clairement dans son rapport. Rappelons que si certains matériels sont presque systématiquement retirés (clous centromédullaires par exemple), ce n’est pas le cas de tous, compte tenu de leur localisation, de l’âge du patient, de difficultés techniques ou risques de lésions iatrogènes ou d’une maladie intercurrente. Un matériel d’ostéosynthèse en place depuis longtemps a très peu de chances d’être retiré. La tendance actuelle va vers une moindre ablation des matériels, et certaines victimes refusent l’idée de ce nouveau geste chirurgical. Dans tous les cas, il conviendra au médecin de poser la question à la victime lors de l’expertise et de le noter dans le rapport.
Les souffrances endurées qu’elles engendreront seront incluses par l’expert dans leur quantification globale à sept degrés : il est important qu’il le précise.

– Traitement médical ou chirurgical futur destiné à améliorer un dommage esthétique. Le médecin expert doit alors donner toutes précisions sur la nature et la justification de ces soins, sur leur durée, sur l’époque où ils pourront être pratiqués et en cas de chirurgie à visée esthétique, sur l’amélioration du dommage esthétique qui subsistera malgré tout, sur leurs conséquences directes et indirectes (frais médicaux, gênes temporaires, arrêts de travail, souffrances endurées), sur l’intention de la victime de les subir (ou l’intention des parents s’il s’agit d’un enfant). Le médecin aura également à donner un avis sur le devis présenté par la victime.

B – LES FRAIS VIAGERS

Ce sont, par définition, des frais qui devront être exposés pendant toute la vie de la victime, soit en permanence, soit par périodes.

En pratique, ces frais futurs viagers ne sont justifiés qu’en cas de séquelles très invalidantes, comme :
– les hospitalisations définitives ou intermittentes mais régulièrement répétées ;
– les prescriptions pharmaceutiques et soins paramédicaux qui devront être poursuivis pour éviter une aggravation ;
– les prothèses et matériels destinés à pallier certains handicaps. Il en est ainsi des prothèses externes des membres, prothèses oculaires, chaussures orthopédiques, prothèses dentaires (implants et prothèses sur implants)…
Le médecin expert doit en indiquer la périodicité médicalement vraisemblable.

5. PARTICULARITÉS : LE PROTOCOLE D’ACCORD

Rappelons que le protocole d’accord organismes sociaux/assureurs, signé en mai 1983, définit les dépenses de santé futures comme étant « celles dont la charge est certaine ou prévisible selon l’avis du médecin et pour la durée indiquée par celui-ci». Ce protocole régit les rapports entre les assureurs et les organismes sociaux et n’est pas opposable à la victime.

Mission d’expertise médicale 2009 – Mise à jour 2014 – Commentaire du point 19