Mission d’expertise médicale 2014 – Point 14 bis, PET, mise à jour 2018
I – TEXTE DE LA MISSION
« Dans certains cas, il peut exister un préjudice esthétique temporaire (PET). Il correspond à ”l’altération de [son] apparence physique, certes temporaire mais aux conséquences personnelles très préjudiciables, liée à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers”. Il convient alors d’en décrire la nature, la localisation, l’étendue et d’en déterminer la durée ».
II – COMMENTAIRES
1. BREF HISTORIQUE
Traditionnellement, seul le préjudice esthétique permanent était pris en compte. Le préjudice esthétique temporaire, s’il n’est pas totalement nouveau puisqu’il était déjà appliqué, avec réticence, par les magistrats, est introduit dans notre environnement par la nomenclature Dintilhac qui en délimite les contours. La jurisprudence a consacré ce poste, désormais devenu autonome (Cass., 2ème civ., 4 février 2016, n° 10-23.378).
2. DÉFINITION
D’après la nomenclature Dintilhac, reprise dans la jurisprudence, dans certains cas, il peut exister un préjudice esthétique temporaire à caractère autonome. Il correspond à « l’altération de [son] apparence physique, certes temporaire mais aux conséquences personnelles très préjudiciables, liée à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers. Or, ce type de préjudice est souvent pris en compte au stade des préjudices extrapatrimoniaux permanents, mais curieusement omis de toute indemnisation au titre de la maladie traumatique où il est pourtant présent, notamment chez les grands brûlés ou les traumatisés de la face ».
3. MODE D’ÉVALUATION, OUTILS, AIDES
En 2010, la SFML et la FFAMCE ont constitué un groupe de travail dont les réflexions ont été publiées (« Le dommage esthétique constitutif d’un préjudice esthétique temporaire (PET) » – Rev. franç. dommage corp., 2010, 36-1, 37-39) et que l’AREDOC adopte in extenso.
Le dommage esthétique constitutif d’un préjudice esthétique temporaire étant consacré comme un poste autonome, il convient, pour l’expert, de pouvoir apporter les éléments constitutifs de son existence d’une part, et de son évaluation d’autre part.
Pour pouvoir se prononcer sur l’existence d’un dommage esthétique temporaire, distinct de tout autre poste temporaire comme les souffrances endurées ou les gênes temporaires constitutives d’un déficit fonctionnel temporaire, il convient de prendre en compte 4 items : la nature des lésions, leur localisation, leur étendue et la durée du ressenti. L’expert en déduira s’il s’agit d’un PET ou si les doléances relèvent des souffrances endurées ou des gênes temporaires, en argumentant sa position.
A – ÉLÉMENTS À RECHERCHER À PARTIR DES DOLÉANCES ET DES DOCUMENTS PRÉSENTÉS
a) La nature
Deux types de situations peuvent se présenter lors d’une expertise :
– Le ressenti (la doléance) porte sur le fait d’avoir dû utiliser par exemple un déambulateur, un collier cervical, un fauteuil, une attelle, des cannes anglaises ou canadiennes mais également avoir subi une immobilisation par plâtre, qui ont entraîné un désordre esthétique pour l’intéressé.
– L’autre situation est celle d’une atteinte corporelle par plaie, chirurgicale ou non, qui peut laisser prévoir, ou non, un dommage esthétique définitif après consolidation.
b) La localisation
Il est réel que, dans la définition qui est donnée de ce poste de préjudice esthétique temporaire autonome, la caractéristique principale de l’altération de l’apparence physique décrite est que la victime soit dans la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers.
Ainsi, il est des cicatrices dont la visibilité et l’aspect sont immédiatement repérables, d’autres qui le sont moins et il conviendra de prendre cette situation en compte.
c) L’étendue
L’étendue de l’atteinte corporelle, plaie, brûlure ou autre atteinte esthétique consécutive à un accident ou non, notamment à un acte chirurgical, devra également être prise en considération.
d) La durée
Le médecin devra prendre en compte la durée pendant laquelle la victime a été dans l’obligation de se présenter dans un état altéré au regard des tiers.
En effet, les caractéristiques d’un dommage esthétique temporaire peuvent être présentes sur de longs mois voire des années, comme dans les deux exemples proposés dans le rapport Dintilhac à savoir les grands brûlés ou les traumatisés de la face.
B – MÉTHODOLOGIE D’ÉVALUATION
Après avoir recueilli les doléances exprimées par la victime et analysé les pièces du dossier, à l’aide des 4 items cités ci-dessus, l’expert devra se prononcer en motivant expressément et argumentant les raisons qui l’ont conduit à prendre telle ou telle décision.
a) soit, il s’agit d’un dommage esthétique constitutif d’un PET, poste à caractère autonome :
Dans le cas où l’expert estime que la doléance exprimée est à considérer comme étant un poste autonome, il devra alors procéder à sa description, en indiquer le caractère éventuellement dégressif et en fixer la durée qui ne coïncide pas forcément avec la date de consolidation.
Concernant son évaluation, il apparaît qu’il n’est pas possible de chiffrer ce dommage à l’aide d’une cotation de 1 à 7, ce préjudice étant par essence évolutif, dégressif et parfois même fluctuant.
Le médecin doit donc décrire précisément la nature et l’évolution de ce dommage sans cotation. Par exemple, un fixateur externe, une cicatrice ou brûlure étendue sont constitutifs d’un dommage esthétique autonome.
Le juriste chargé de l’indemnisation, magistrat ou assureur, indemnisera en fonction des éléments du dossier.
b) soit, les doléances exprimées relèvent d’un autre poste temporaire : souffrances endurées ou gênes temporaires.
Ainsi, le fait de s’être déplacé à l’aide d’un déambulateur ou d’avoir dû porter un collier cervical, une attelle ou une orthèse, peut relever soit des souffrances endurées au titre notamment, du « caractère astreignant des soins », soit des gênes temporaires au titre de la thérapeutique prescrite.
Point 14 bis, PET, mise à jour 2018