Lettre de la COREIDOC n° 16 – Le déficit fonctionnel temporaire (DFT)
Bref historique
Historiquement, jusqu’en 2006, le poste incapacité temporaire totale avait un caractère hybride puisqu’il comprenait à la fois les conséquences économiques de l’arrêt de travail et les conséquences de celui-ci dans les activités personnelles jusqu’à la consolidation. Il existait en outre une confusion de sigles avec la notion d’incapacité totale de travail (ITT) pénale. L’ITT est une notion purement pénale qui sert à déterminer la nature de l’infraction, la juridiction compétente et la prescription.
Pour couper court à l’ambiguïté de cette notion d’ITT, le groupe de travail Dintilhac a choisi de créer deux postes de préjudice distincts. C’est ainsi que la sphère professionnelle de la victime est, désormais, prise en considération par les pertes de gains professionnels actuels (voir la lettre COREIDOC n° 11) et que la sphère personnelle est prise en compte par le poste dénommé déficit fonctionnel temporaire.
Définition Dintilhac
« Ce poste de préjudice cherche à indemniser l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c’est-à-dire jusqu’à sa consolidation. Cette invalidité par nature temporaire est dégagée de toute incidence sur la rémunération professionnelle de la victime, laquelle est d’ailleurs déjà réparée au titre du poste perte de gains professionnels actuels. A l’inverse, elle va traduire l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle que va subir la victime jusqu’à sa consolidation. Elle correspond aux périodes d’hospitalisation de la victime, mais aussi à la « perte de qualité de vie et celle des joies usuelles de la vie courante » que rencontre la victime pendant la maladie traumatique (séparation de la victime de son environnement familial et amical durant les hospitalisations, privation temporaire des activités privées ou des agréments auxquels se livre habituellement ou spécifiquement la victime, préjudice sexuel pendant la maladie traumatique, etc.). »
Aspect médico-légal
Partant de la description la plus précise possible, issue du rapport d’expertise quant à la réalité des troubles allégués pendant cette période, seront indemnisées plusieurs périodes de gênes temporaires dont le caractère partiel ou total sera déterminé par le médecin.
Chaque période de gêne, qu’elle soit partielle ou totale, est exclusive des autres sans cependant être systématiquement présente. Ces périodes peuvent se succéder, voire alterner dans le temps. De plus, dans le cadre de la gêne partielle, il existe une dégressivité pour laquelle le médecin donnera des éléments permettant d’en apprécier l’intensité. Pour cela, il indiquera les durées séquentielles et/ou les dates de début et de fin à l’aide des 4 classes de gênes temporaires partielles. Cette classification des gênes temporaires partielles figure de manière détaillée dans les commentaires du point 12 de la mission d’expertise médicale 2009, mise à jour en 20142, adoptant in extenso les réflexions de la Société Française de Médecine Légale (SFML) et de la Fédération Française des Associations de Médecins Conseil Experts (FFAMCE).
Aspect indemnitaire
Ce poste de déficit fonctionnel temporaire regroupe non seulement le déficit de la fonction qui est à l’origine de la gêne, mais également les troubles dans les conditions d’existence, les gênes dans les actes de la vie courante, le préjudice d’agrément temporaire, le préjudice sexuel temporaire, et ce, jusqu’à la consolidation.
La Cour de cassation, dès 2009 ( Cass. 2ème civ., 28 mai 2009, n° 08-16.829), a indiqué que le DFT incluait « pour la période antérieure à la date de consolidation, l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d’hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique ».
La Cour de cassation a rappelé, notamment en 2014, que ce poste de préjudice intègre aussi le préjudice sexuel subi pendant cette période (Cass. 2ème civ., 11 décembre 2014, n° 13-28.774 : « Attendu que le poste de préjudice du déficit fonctionnel temporaire qui répare la perte de qualité de vie de la victime et des joies usuelles de la vie courante pendant la maladie traumatique intègre le préjudice sexuel subi pendant cette période ») et le préjudice d’agrément temporaire (Cass. 2ème civ., 5 mars 2015, n° 14-10.758 ; Cass. 2ème civ., 27 avril 2017, n° 16-13.740 : « Attendu que le poste de préjudice du déficit fonctionnel temporaire qui répare la perte de qualité de vie de la victime et des joies usuelles de la vie courante pendant la maladie traumatique intègre le préjudice d’agrément temporaire pendant cette période »).
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a également rejeté l’indemnisation d’un préjudice juvénile temporaire distinct (Cass. 2ème civ., 18 mai 2017, n° 16-11.190 : « Le préjudice lié aux privations des agréments de la jeunesse est inclus avant consolidation tant dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées que dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel temporaire »).
Dans un arrêt du 8 décembre 2016, (n° 13-22.961), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rappelle également que le déficit fonctionnel temporaire ne couvre que la période allant de la date de l’accident à la date de consolidation. L’indemnisation de ce poste de préjudice intervient par l’attribution d’une indemnité forfaitaire tenant compte de la durée et de l’intensité du déficit fonctionnel temporaire. Par exemple, le référentiel indicatif de l’indemnisation du préjudice corporel des cours d’appel de 2016 donne une fourchette allant de 600 à 900 euros par mois selon que la victime est plus ou moins handicapée. Cette base sera multipliée par le nombre de mois correspondant à la durée de l’incapacité temporaire avec un abattement proportionnel si l’incapacité temporaire n’est pas totale.