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Lettre de la COREIDOC n° 19 – Les souffrances endurées (SE)

Bref historique

L’expression pretium doloris a été progressivement remplacée par le terme souffrances endurées à la suite de la loi du 27 décembre 1973 (Loi n°73-1200 du 27 décembre 1973 relative à l’étendue de l’action récursoire des caisses de sécurité sociale en cas d’accident occasionné à un assuré social par un tiers) pour être définitivement consacrée par la nomenclature Dintilhac en 2005.

Parallèlement, alors que seules étaient prises en considération les douleurs physiques du jour de l’accident jusqu’à la date de consolidation, progressivement ont été intégrées les souffrances psychiques et morales, puis les troubles dans les conditions d’existence.

Différentes échelles d’évaluation ont été proposées avec le recours à des adjectifs qui allaient de « très léger » à « très important ». Ce mode d’évaluation par adjectifs a été progressivement abandonné pour laisser la place à la quantification selon une échelle numérique à 7 degrés enrichie par les médecins experts de demi degrés permettant de cerner au mieux la réalité des souffrances subies.

Définition Dintilhac

« Il s’agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c’est-à-dire du jour de l’accident à celui de sa consolidation. En effet, à compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre ».

Aspect médico-légal

Pour son évaluation médico-légale, le médecin se réfère à la « Grille indicative d’évaluation », publiée dans la Revue Française du Dommage Corporel (numéro 3 de l’année 2009) qui est issue du travail commun élaboré en 2007 par la Société Française de Médecine Légale (SFML) et la Fédération Française des associations de médecins conseils experts en dommage corporel (FFAMCE) intitulé « Du pretium doloris aux souffrances endurées ».

Cette grille donne une définition des souffrances endurées qui intègre et complète avec toutes précisions utiles la définition de la nomenclature Dintilhac.

La définition issue du travail commun de la SFML et de la FFAMCE est la suivante : « les souffrances endurées sont représentées par la douleur physique consécutive à la gravité des blessures, à leur évolution, à la nature, la durée et le nombre d’hospitalisations, à l’intensité et au caractère astreignant des soins, auxquels s’ajoutent les souffrances physiques et morales représentées par les troubles et phénomènes émotionnels découlant de la situation engendrée par l’accident et que le médecin sait être habituellement liées à la nature des lésions et à leur évolution ».

Bien que le médecin se réfère à cette grille indicative, il est important qu’il précise en les expliquant les motifs qui l’ont conduit à retenir la cotation proposée et qui correspond aux spécificités des blessures subies par la personne examinée. En effet, il ne saurait se contenter d’une cotation sans commentaire. Si des douleurs persistent après consolidation, elles sont prises en compte dans l’évaluation de l’AIPP s’il en existe une. Il est d’usage que les douleurs résiduelles amenées à disparaître rapidement après la consolidation soient prises en compte, en l’absence d’AIPP, dans l’évaluation du poste « souffrances endurées ».

Aspect indemnitaire

Le descriptif précis de la cotation des souffrances endurées permet une indemnisation individualisée en fonction de la jurisprudence et des barèmes de cours d’appel concernées. L’indemnisation est indépendante de l’âge et du sexe de la victime.

Aux termes d’un arrêt du 16 septembre 2010 (n° 09-69.433), les magistrats de la deuxième chambre civile ont affirmé que ce poste de préjudice inclut la douleur morale avant consolidation : « Mais attendu que le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés étant inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste de préjudice du défi cit fonctionnel permanent, il ne peut être indemnisé séparément ».

Cette solution a été rappelée notamment en 2014 puis en 2017 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.

• Cass. 2ème civ., 11 septembre 2014, n° 13-24.344 :

En l’espèce, il s’agissait d’une femme, victime d’une agression particulièrement violente avec arme et blessures reçues au moyen d’un couteau. L’intensité de l’état de stress et d’effroi de la victime avait parfaitement bien été décrite par l’expert médical. De sorte que les juges avaient alloué une somme globale de 14.000 € au titre du prix des souffrances endurées intégrant au sein de la douleur, un préjudice moral évalué à 10.000 €.

L’expert judiciaire avait pris le soin d’indiquer dans son rapport : « Les souffrances endurées prendront en compte l’agression elle-même et ses suites avec les interventions chirurgicales et les séances de rééducation ainsi que les troubles psychologiques et sont évaluées à 3/7 ».

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi considérant que la juridiction d’appel qui avait alloué une somme globale de 14 000 € au titre des souffrances endurées réparant tant les souffrances physiques que les souffrances morales n’avait pas dénaturé ni indemnisé un préjudice permanent exceptionnel ni accordé une double indemnisation.

• Cass. 2ème civ., 2 février 2017, n° 16-11.411 :

De même, dans un arrêt publié au bulletin et rendu en date du 2 février 2017, n° 16-11.411, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation retient : « Attendu que, pour allouer aux victimes au titre de leur action successorale diverses indemnités réparant notamment, d’une part, les souffrances endurées, d’autre part, un préjudice de « mort imminente », l’arrêt énonce que les souffrances physiques et morales endurées par la victime entre le début de l’agression commise à son encontre et sa mort, constituent un préjudice distinct de celui de l’angoisse de mort imminente qu’elle a éprouvée ; que le fait d’indemniser séparément ces préjudices ne revient pas à une double évaluation ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés étant inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées, quelle que soit l’origine desdites souffrances, le préjudice lié à la conscience de sa mort prochaine, qualifié dans l’arrêt de préjudice d’angoisse de mort imminente, ne peut être indemnisé séparément, la cour d’appel a réparé deux fois le même préjudice et violé le principe susvisé » ( Dans le même sens, voir les arrêts suivants : Cass. 2ème civ., 19 janvier 2017, n° 15-29.437 ; Cass. 2ème civ., 29 juin 2017, n° 16-17.228 ; Cass. 2ème civ., 14 septembre 2017, n° 16-22.013).

Le référentiel intercours donne un barème indicatif pour l’indemnisation des souffrances endurées et du préjudice esthétique permanent en fonction de la cotation médico-légale (1/7 à 7/7). Il est important de préciser toutefois que ces chiffres proviennent exclusivement de moyennes jurisprudentielles et n’ont aucune valeur normative.

Lettre n° 19 – Les souffrances endurées