Lettre de la COREIDOC n° 20 – Les frais de logement adapté (FLA)
Les frais de logement adapté, prévus par la nomenclature Dintilhac au titre des frais divers pour les frais de logement temporaire et au titre des frais de logement adapté pour les frais permanents visent l’indemnisation des besoins de la victime en vue de bénéficier d’un logement en adéquation avec son handicap.
Cadre législatif
La loi n° 2005-02 du 11 février 2005 sur l’égalité des chances et la citoyenneté des personnes handicapées ouvre des perspectives nouvelles en prévoyant notamment de nombreuses mesures en faveur de l’amélioration de l’habitat pour ces personnes. Votée depuis plus de 10 ans déjà, on peut légitimement penser que sa mise en œuvre est effective en tout cas dans les logements neufs. En effet, de nouvelles normes de construction ont été fixées, concernant non seulement les logements neufs mais aussi les logements existants dans lesquels auront été effectués des travaux importants (accessibilité intérieure et extérieure, salle de bains adaptée par des aménagements simples permettant son utilisation par une personne handicapée…).
Les besoins spécifiques en matière de logement de la personne en situation de handicap ont été pris en compte par divers textes pour faciliter :
- La réalisation des travaux d’adaptation
– Articles 6 et 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, modifiée par la loi n° 2015-1176 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement.
– Décret n° 2016-1282 du 29 septembre 2016 relatif aux travaux d’adaptation du logement aux personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie réalisés aux frais du locataire (possibilité pour le locataire d’effectuer certains travaux d’aménagement, voire de transformation, sauf refus du bailleur dans le délai de 4 mois suivant la demande écrite et sans obligation de remise en état en fin de bail).
- L’accessibilité des bâtiments d’habitation collectifs et des maisons individuelles neufs
– La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des chances et la citoyenneté des personnes handicapées a repris le principe de l’accessibilité des personnes handicapées au cadre bâti.
– Décret n° 2015-1770 et arrêté du 24 décembre 2015 modifiant les dispositions du Code de la construction et de l’habitation relatives à l’accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d’habitation collectifs et des maisons individuelles neufs (voir notamment les articles R111-18 à R111-18-2 concernant les dispositions applicables lors de la construction de bâtiments d’habitation collectifs et les articles R111-18-4 à R111-18-6 qui se rapportent aux dispositions applicables lors de la construction de maisons individuelles).
- L’attribution prioritaire des logements sociaux
– La loi n° 2001-1247 du 21 décembre 2001 modifiant l’article L. 441-1 du Code de la construction et de l’habitation fixe les critères de priorité pour l’attribution des logements sociaux. Les « personnes en situation de handicap, au sens de l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles, ou familles ayant à leur charge une personne en situation de handicap » bénéficient d’une attribution prioritaire de logements sociaux (priorité reprise dans la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable).
Définition Dintilhac
« Ces dépenses concernent les frais que doit débourser la victime directe à la suite du dommage pour adapter son logement à son handicap et bénéficier ainsi d’un habitat en adéquation avec ce handicap. Ce poste d’indemnisation concerne le remboursement des frais que doit exposer la victime à la suite de sa consolidation, dans la mesure où les frais d’adaptation du logement, exposés à titre temporaire, sont déjà susceptibles d’être indemnisés au titre du poste de préjudice « Frais divers ». Cette indemnisation intervient sur la base de factures, de devis ou même des conclusions du rapport de l’expert sur la consistance et le montant des travaux nécessaires à la victime pour vivre dans son logement. Ces frais doivent être engagés pendant la maladie traumatique afin de permettre à la victime handicapée de pouvoir immédiatement retourner vivre à son domicile dès sa consolidation acquise. Ce poste de préjudice inclut non seulement l’aménagement du domicile préexistant, mais éventuellement celui découlant de l’acquisition d’un domicile mieux adapté prenant en compte le surcoût financier engendré par cette acquisition.
En outre, il est possible d’inclure au titre de l’indemnisation de ce poste de préjudice les frais de déménagement et d’emménagement, ainsi que ceux liés à un surcoût de loyer pour un logement plus grand découlant des difficultés de mobilité de la victime devenue handicapée. Enfin, ce poste intègre également les frais de structure nécessaires pour que la victime handicapée puisse disposer d’un autre lieu de vie extérieur à son logement habituel de type foyer ou maison médicalisée ».
Aspect indemnitaire
- La qualification des besoins
Une personne conservant des limitations fonctionnelles peut avoir des besoins spécifiques en termes d’habitat, lequel doit être approprié à sa situation médicale telle que décrite par le médecin expert dans son rapport.
En matière de handicap lourd, c’est l’objet du point 17 de la mission d’expertise de l’AREDOC spécifique aux handicaps graves générant une perte d’autonomie qui précise notamment que l’expert, après expertise au domicile et en fonction des séquelles effectives, doit « se prononcer sur les aides matérielles nécessaires :
– aides techniques, en précisant leur nature et la fréquence de leur renouvellement ;
– adaptation du logement (domotique notamment), étant entendu qu’il appartient à l’expert de se limiter à décrire l’environnement en question, et au professionnel spécialisé de décrire les aménagements nécessaires […] ».
Il appartient donc à l’expert architectural de décrire très précisément les lieux existants, les limites et/ou les possibilités techniques d’adaptation voire de transformation.
En fonction de ce constat et du mode d’occupation (vie au domicile des parents ou d’autrui, locataire ou propriétaire), plusieurs situations peuvent se présenter, de la simple nécessité d’adaptation ou transformation du logement occupé à celle d’une surface habitable complémentaire voire d’un déménagement dans un logement adapté au handicap.
Dans tous les cas, il appartient à la victime d’établir que les frais de logement dont elle demande l’indemnisation sont en relation de causalité directe avec son handicap, c’est-à-dire rendus nécessaires par celui-ci, selon les principes qui régissent traditionnellement la responsabilité civile.
- Les modalités d’indemnisation
Se loger constitue un besoin pour tout un chacun, que ce soit en location ou en propriété. Tout foyer doit donc s’acquitter du paiement d’un loyer ou du prix d’acquisition de l’habitation.
L’indemnisation d’une perte totale de revenus professionnels (PGPF) généralement retenue pour ces victimes lourdement handicapées les remet par définition dans la situation patrimoniale où elles se trouvaient avant l’accident. Elle devrait donc en toute logique leur permettre de prendre en charge le coût de la location d’un logement ou de son achat qui leur aurait incombé dans le cadre des dépenses de la vie courante si l’accident n’était pas survenu.
Ainsi, l’indemnisation du poste frais de logement adapté s’inscrit dans le cadre du financement du surcoût lié au handicap, tel que retenu et défini par la nomenclature Dintilhac.
Par exemple, un locataire contraint de louer un logement mieux adapté au loyer plus élevé doit être indemnisé du seul surcoût de loyer, outre les frais de déménagement.
Dans le cas d’un propriétaire contraint de vendre son logement pour en acquérir un plus adapté à son handicap, doit être pris en compte le prix de vente de son logement.
Pour apprécier ce préjudice, il convient de tenir compte, in concreto, en fonction des éléments de preuves produits, non seulement du degré de handicap de la victime mais également de sa situation personnelle, des caractéristiques du logement et de la nécessité au regard des conséquences de l’accident d’engager les frais demandés.
Si l’appréciation in concreto de ce poste de préjudice revient aux juges du fond, la Cour de cassation exerce cependant un contrôle sur le respect du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime et sur le lien de causalité entre les frais de logement et les séquelles de l’accident.
Il existe des situations concrètes dans lesquelles l’acquisition d’un bien s’impose à la victime comme nécessaire et indispensable, ne résultant pas d’un choix de sa part. Toutefois, le principe de la réparation intégrale ne doit pas aboutir à un enrichissement patrimonial.
La jurisprudence considère ainsi qu’il n’appartient pas à l’assureur de supporter les frais manifestement excessifs aboutissant à un enrichissement patrimonial.
De ce fait, il convient de déterminer, en fonction des circonstances propres à chaque espèce, l’étendue du besoin existant et donc le niveau d’indemnisation de la victime étant entendu que, selon la nomenclature Dintilhac, seul le surcoût financier engendré par l’acquisition d’un logement mieux adapté doit être pris en compte.
Face au handicap, plusieurs solutions se présentent selon la situation personnelle et l’environnement de la victime.
Quelle que soit la situation (vivant chez ses parents, locataire ou propriétaire) de la victime, la première question à se poser est de savoir si le handicap nécessite un aménagement du logement et si celui-ci est réalisable de façon pérenne.
1- Les aménagements
a) La nécessité des aménagements
Il incombe à la victime de prouver la nécessité des aménagements et le lien de causalité direct avec les limitations fonctionnelles résultant de l’accident. Ainsi, les cours d’appel ont pu retenir la nécessité des aménagements dont la prise en charge a été demandée. CA Douai, 28 janvier 2016, n° 16/81 : « Au vu des éléments dont la cour dispose, il convient d’évaluer à 18.865,49 euros l’indemnisation allouée à la victime au titre de la nécessité d’adaptation de son logement ». En effet, la nature de la gêne fonctionnelle permanente de la victime justifiait sa demande d’aménagement de la salle de bain actuellement pourvue d’une baignoire et ses difficultés d’accroupissement justifiaient l’aménagement de la cuisine.
CA Montpellier, 1er mars 2016, n° 14/02243 : « La cour confirme le jugement déféré qui a retenu une indemnisation d’un montant de 5340,58 € sur le fondement du rapport de l’expert qui constate la nécessité de réaliser des aménagements intérieurs, en raison des difficultés de la victime à se déplacer, et sur la justification des factures produites ».
A contrario, on peut citer des décisions de cours d’appel qui ont rejeté la demande de prise en charge des aménagements dont la nécessité n’était pas établie.
CA Paris, 23 janvier 2017, n° 15/08101 : « Mme B. ne justifie pas de la nécessité de travaux d’aménagement de son domicile ». La victime souffrant d’une légère gêne dans la marche sollicitait 10.000 € pour le financement d’une rampe d’escalier pour l’accès à l’étage et des poignées de relevages dans les toilettes et la baignoire mais les devis produits ne correspondaient pas aux travaux dont elle demandait l’indemnisation.
CA Aix-en-Provence, 31 mars 2016, n° 2016/155 : « L’expert a exclu que la nécessité d’aménagement de la baignoire soit en lien avec l’accident ». Seul l’état antérieur de la victime était en rapport avec les besoins de logement adapté.
CA Versailles, 19 mai 2016, n° 15/01649 : « Faute de prouver la nécessité d’aménagements de son logement locatif et l’impossibilité d’y pourvoir, M. N. sera débouté de sa demande de ce chef, comme en première instance ».
Enfin, il faudra parfois prévoir l’aménagement temporaire du domicile des parents d’un enfant gravement handicapé et ensuite l’aménagement définitif du domicile de celui-ci, lorsqu’il prendra son indépendance.
b) La possibilité d’aménager de façon pérenne
La situation du locataire n’est pas nécessairement incompatible avec la possibilité d’aménagement du logement.
Il convient de prendre en compte les possibilités définies par le décret n° 20161282 du 29 septembre 2016 relatif aux travaux d’adaptation du logement aux personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie réalisés aux frais du locataire.
Il permet au locataire d’effectuer certains travaux d’aménagement voire de transformation sauf refus du bailleur dans le délai de 4 mois suivant la demande écrite, et sans obligation de remise en état en fin de bail.
En outre, les articles R.111-18 et R.111-18-2 du Code de la construction et de l’habitation précités prévoient notamment des transformations techniques facilitées au bénéfice de la personne en situation de handicap. Par ailleurs, la jurisprudence a également rappelé la possibilité d’aménager un logement social.
CA Paris, 7 novembre 2016, n° 15/05079 : La victime est paraplégique. La demande d’aménagement spécifique peut être faite au bailleur social : « Que le moyen tiré de la prétendue précarité de la location est erroné puisque le propriétaire était un bailleur institutionnel social, qui n’est pas titulaire des droits de congé dont dispose un bailleur privé, et à qui la loi impose des obligations pour l’attribution prioritaire des logements en faveur des locataires handicapés ».
CA Bastia, 10 février 2016, n° 14/00234 : La victime est paraplégique. « La victime vivait dans une caravane avant l’accident et a dû en raison de son handicap s’installer dans un appartement type HLM. S’il convient de lui accorder les sommes nécessaires à l’aménagement approprié de cet appartement, le principe de la réparation intégrale du préjudice ne saurait conduire à lui accorder la somme nécessaire à l’achat d’un bien immobilier comme il le réclame, dès lors qu’il n’est pas démontré que l’aménagement intérieur de l’appartement est impossible ».
CA Versailles, 19 mai 2016, n ° 15/01649 : La victime est atteinte d’une paraplégie sensitivo motrice définitive. « La cour retient que M. N. , qui doit faire la preuve du principe et de l’étendue du préjudice dont il demande la réparation, produit le contrat de location d’un appartement de type F4, de 85 m2, situé à Montreuil, au rez de chaussée d’un immeuble en HLM qui lui a été attribué postérieurement à l’accident en janvier 2007, vraisemblablement en raison de son état de santé, mais ne justifie pas de l’impossibilité d’effectuer les aménagements cités pour élargir une douche ou faciliter le déplacement en fauteuil roulant ni même les avoir réclamés au bailleur social et encore moins s’être heurté à un refus de ce dernier ».
2- La nécessité d’un déménagement avec accession au parc locatif adapté
Nous sommes dans l’hypothèse où le logement s’avérant ni adapté, ni adaptable, la victime doit déménager et accède au parc locatif social ou privé.
Il convient de rappeler qu’en vertu des dispositions spécifiques du Code de la construction et de l’habitation, précitées, une victime présentant un handicap, même lourd, peut bénéficier au sein du parc locatif privé ou social pour lequel elle est prioritaire, de logements respectant les normes propres au handicap. Ainsi, elle doit pouvoir vivre normalement dans un logement adapté au handicap présenté.
CA Amiens, 12 janvier 2016, n° 13/04451 : Un rapport établi par l’ergothérapeute indiquait que « M. P. venait de se voir attribuer par un bailleur public un logement neuf, de type T3, de plain-pied lui permettant une déambulation en fauteuil roulant manuel classique dans toutes les pièces, M. P. se trouvant à l’aise pour manœuvrer » ; « M. P. ne prétend ni justifie s’être heurté, depuis lors, à un refus du bailleur de laisser réaliser ces aménagements intérieurs qui, selon le rapport cité, n’impliquent aucune modification du gros œuvre de sorte que la nécessité d’une acquisition ou construction d’un logement adapté n’est pas démontrée ».
CA Paris, 7 juillet 2016, n° 13/00387 : La victime est tétraplégique. « Qu’il résulte du rapport de l’expert judiciaire que Monsieur S. vit aujourd’hui dans un logement social adapté à son handicap de sorte qu’en l’absence de justificatif pour sous tendre les demandes d’aménagements qui, à ce stade, ne sont qu’hypothétiques, celles-ci seront rejetées et le sursis à statuer, écarté ».
CA Paris, 7 novembre 2016, n° 15/05079 : La victime est paraplégique. « M. F n’allègue ni, subsidiairement, ne justifie avoir adressé une quelconque demande à son bailleur pour remédier aux inconvénients consécutifs au sens d’ouverture de la porte de la cuisine et à la disposition des éléments d’équipements de la salle de bains, ni même une demande d’attribution d’un appartement plus spacieux afin de répondre à sa doléance sur la taille des pièces de l’appartement » ; « Que le moyen tiré de la prétendue précarité de la location est erroné puisque le propriétaire était un bailleur institutionnel social, qui n’est pas titulaire des droits de congé dont dispose un bailleur privé, et à qui la loi impose des obligations pour l’attribution prioritaire des logements en faveur des locataires handicapés ».
En ce sens, voir également : CA Bastia, 10 février 2016, n° 14/00234 ; CA Versailles, 19 mai 2016, n° 15/01649, précités.
Si le loyer du nouveau logement est plus élevé, le surcoût est alors indemnisé.
CA Aix-en-Provence, 2 mars 2017, n° 15/18656 : La cour fait droit à la demande de la victime qui « sollicite une somme de 57.210,88 € au titre d’un surcoût locatif correspondant à un besoin de complément de surface nécessité par son handicap (aire de rotation dans l’entrée…) ».
CA Chambéry, 13 avril 2017, n° 16/00467 : « Il est établi par les pièces communiquées, non contredites, que le nouveau logement représente pour Mme B. un surcoût mensuel de 76,83 €, soit 922,32 € par an […] qu’il y a lieu de capitaliser ».
3- Acquisition ou construction d’un logement adapté
a) Le principe de prise en charge de l’acquisition
Les juges du fond ont reconnu, dans des cas spécifiques, la légitimité pour la victime d’obtenir une indemnisation correspondant au coût partiel ou total de l’acquisition ou la construction d’un logement adapté.
En effet, cette prise en charge a été admise lorsque plusieurs conditions étaient remplies, à savoir :
◊ Que le logement occupé lors de l’accident soit inadapté et inadaptable au handicap. La victime doit établir que le logement n’est pas compatible avec son handicap.
CA Amiens, 12 janvier 2016, n° 13/04451 : Les séquelles des blessures de la victime affectent les fonctions de préhension des deux membres supérieurs, surtout à gauche, la fonction d’équilibration et de locomotion. « La victime ne prétend ni justifie s’être heurtée, depuis lors, à un refus du bailleur de laisser réaliser ces aménagements intérieurs qui n’impliquent aucune modification du gros œuvre de sorte que la nécessité d’une acquisition ou construction d’un logement adapté n’est pas démontrée ».
◊ Que la victime ne pourra pas bénéficier d’un logement en location, adapté de façon pérenne au handicap.
Dans son arrêt du 7 novembre 2016, n° 15/05079, la cour d’appel de Paris a rappelé que le bailleur institutionnel social n’est pas titulaire du droit de congé dont dispose un bailleur privé et que la loi lui impose des obligations pour l’attribution prioritaire des logements en faveur des personnes handicapées.
Pour justifier un choix orienté vers l’achat, les victimes évoquent l’argument selon lequel la situation du locataire présenterait une certaine précarité du fait qu’elles sont dépendantes d’un propriétaire qui peut refuser d’effectuer les travaux nécessaires ou mettre fin au bail à l’issue de la période triennale, entraînant la perte des investissements.
Lorsque les aménagements nécessaires sont effectivement incompatibles avec le caractère provisoire d’une location, une part de l’acquisition du logement est indemnisée par certaines cours. Cette acquisition du logement ne peut être prise en charge que si elle est en lien de causalité avec les séquelles.
Dans le même sens, voir : CA Bastia, 10 février 2016, n° 14/00234.
◊ Que l’indemnisation sollicitée ne serve à réparer que le besoin d’un logement mieux adapté et non des choix onéreux résultant de convenances personnelles.
CA Paris 7 novembre 2016, n° 15/05079 : La victime est paraplégique. « Que l’acquisition d’une maison d’habitation plus spacieuse et plus confortable a relevé d’un choix personnel du demandeur et/ou de son épouse, mais n’est pas la conséquence directe du handicap de M. F provoqué par l’accident ».
En ce sens, voir : CA Amiens, 12 janvier 2016, n° 13/04451.
CA Poitiers, 13 janvier 2016, n° 12/16 : La victime a subi un traumatisme crânien. « Les époux C. étaient libres, à partir du prix de vente de leur ancien domicile, d’acheter une maison mieux équipée et plus spacieuse. Certes, le besoin d’espace supplémentaire peut parfois être pris en charge au titre de la réparation du préjudice en raison de la nécessité de voies de circulation plus larges compte tenu de l’utilisation permanente d’un fauteuil roulant. Mais tel n’est pas le cas en l’espèce. La réparation de ce poste de préjudice sera limitée à la somme de 4.149 € ».
En ce sens, voir : CA Versailles, 19 mai 2016, n° 15/01649 (paraplégie sensitivo motrice définitive).
Quant à la Cour de cassation, elle semble se ranger à l’appréciation in concreto et souveraine des juges du fond dès lors que la motivation de leurs décisions n’est pas susceptible de cassation.
Elle a ainsi confirmé dans un arrêt du 28 février 2013 (n° 12-13816), le pouvoir souverain de la cour d’appel qui a retenu que le demandeur « ne peut prétendre au cumul d’indemnisations que constitueraient à la fois l’acquisition d’un nouveau domicile, alors qu’il n’en avait pas avant l’accident et qu’il devra nécessairement au cours de sa vie exposer des dépenses pour se loger, et les frais d’aménagement de ce logement ; qu’il doit être considéré que l’acquisition en pleine propriété d’un logement financé par l’assureur de l’auteur de l’accident constituerait un enrichissement patrimonial ».
De même, dans un arrêt du 18 mai 2017 (n° 16-15.912), la Cour de cassation se retranche derrière l’appréciation souveraine des juges du fond qui avaient admis, pour une victime lourdement handicapée, la légitimité de la construction d’un logement et de son aménagement en l’absence d’autres solutions moins onéreuses.
b) L’étendue de la prise en charge de l’acquisition d’un logement mieux adapté
Selon le texte même de la nomenclature Dintilhac, la prise en charge de l’acquisition d’un logement mieux adapté s’entend du seul « surcoût financier engendré par cette acquisition » c’est-à-dire une prise en charge partielle.
En fonction de critères spécifiques à chaque dossier (le degré de handicap, la situation personnelle de la victime, les caractéristiques du logement, la situation géographique avec l’existence ou non d’un parc locatif adapté, etc…), les juges du fond peuvent admettre la prise en charge partielle ou totale de l’acquisition ou de la construction.
• Exemples de prise en charge partielle
La Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 25 mars 2014 (n° 12/01149) a ainsi pris en charge partiellement le coût de l’acquisition. Elle a retenu que « les aménagements rendus nécessaires par le handicap de Monsieur Olivier B. apparaissent incompatibles avec le caractère provisoire d’une location, et le choix de la construction d’une maison individuelle faite par le blessé répond aux exigences de son handicap, même si le choix d’une maison de plain-pied apparaissait mieux adapté. (…) Au vu des pièces versées aux débats, les frais d’acquisition et d’aménagement du logement de Monsieur Olivier B. en relation de causalité avec les seules séquelles de l’accident, s’élèvent à la somme de 150.000 € qui sera allouée ».
C’est ainsi que la Cour de cassation (Cass. 2ème civ., 14 avril 2016, n° 15-16.625, publié au bulletin), a admis l’indemnisation d’une part importante de l’acquisition d’un logement. En effet, la victime, locataire avant l’accident et père d’une fillette de 4 ans, avec une AIPP de 75 % (paraplégie de niveau T5), a été dans l’obligation de retourner vivre chez ses parents avant d’acquérir un logement.
La Cour d’appel de Pau, après avoir précisé que « pour apprécier ce préjudice, il convient de tenir compte non seulement du degré de handicap de la victime mais également de sa situation personnelle, des caractéristiques du logement et de la nécessité au regard des conséquences de l’accident d’engager les frais litigieux », a indemnisé une situation bien particulière. La cour d’appel relève ainsi que « la nature de son handicap puisqu’il est paraplégique et la particularité de sa situation familiale, puisqu’il assume seul l’éducation de sa fille âgée aujourd’hui de 4 ans, justifient l’achat du bien immobilier situé en face de chez ses parents. En effet, cette acquisition était une opportunité qu’il ne pouvait laisser passer dans la mesure où, située à proximité immédiate, ce logement lui permet de bénéficier ponctuellement de l’aide de sa mère pour pallier les difficultés pratiques qu’il doit affronter quotidiennement non seulement pour lui-même mais surtout pour prendre en charge sa fille et ce, au-delà du besoin en tierce personne évalué par l’expert ».
Ont ainsi été mis à la charge de l’assureur les frais d’aménagement du logement des parents puis une fraction importante des frais d’acquisition et d’aménagement d’une maison en mauvais état nécessitant d’importants travaux de rénovation (mise aux normes, de réfection de la toiture et des huisseries fermetures, du système de chauffage) et en face des parents de la victime.
Dans cet arrêt, mettant en œuvre une garantie du conducteur, la Cour de cassation a précisé que « la réparation intégrale du préjudice lié au frais de logement adapté prévue au contrat d’assurance commande que l’assureur prenne en charge les dépenses nécessaires pour permettre à la victime de bénéficier d’un habitat adapté à son handicap ».
D’autres cours déterminent la part du coût d’acquisition en relation de causalité avec l’accident dans la mesure où nonobstant l’accident, la victime aurait dû exposer des frais pour se loger. Ainsi, le montant des loyers qui n’auront plus à être payés peut-être déduit.
La Cour d’appel de Besançon par un arrêt du 12 décembre 2013 (n° 12/02565) a ainsi relevé que le demandeur, locataire avant l’accident et dont le bail a été résilié « ne pouvait investir dans un logement adapté à son état de santé qu’en qualité de propriétaire, ce qu’il a fa²it pour un prix de 190.000 € outre frais d’agence et de travaux d’aménagement et qu’il a donc assumé une charge totale de 263.875,92 € à ce titre ». En revanche, « c’est à tort que le premier juge lui a alloué l’intégralité de cette somme à titre de dommages intérêts alors qu’étant devenu propriétaire, ce dernier n’est plus contraint de payer un loyer d’un montant équivalent à celui de 3.240 € dont il s’acquittait annuellement avant l’accident. Eu égard à ces éléments le jugement sera réformé sur ce point et il sera alloué à Milislav R. la somme de : 220.000,00 € ».
CA Lyon, 13 octobre 2016, n° 10/02943 : « Il y a lieu en conséquence d’ allouer à la victime une somme de 217 372,77 euros (108 686,38 euros après partage de responsabilité) correspondant à 25% de la somme réclamée au titre de cette acquisition immobilière et de son adaptation au handicap, monsieur Serge L. ne pouvant pas obtenir une indemnisation équivalente au prix d’acquisition d’un logement, en ce qu’il aurait dû en tout état de cause, indépendamment de son accident, exposer des frais pour se loger, soit en continuant à payer un loyer, soit en accédant à la propriété, dès lors qu’il n’était pas propriétaire de son logement au moment de l’accident ».
• Exemples de prise en charge totale
Les juges du fond s’éloignent parfois de la stricte définition de la nomenclature Dintilhac précitée pour retenir une prise en charge totale.
La Cour de cassation, amenée à se prononcer (Cass. 2ème civ., 5 février 2015, n° 14-16.015, non publié) à propos du cas d’une victime locataire dont l’appartement n’était pas adapté à son handicap, a fait état du pouvoir souverain d’appréciation de la cour d’appel des éléments de preuve produits. Cette dernière avait ainsi décidé que les frais d’acquisition et d’aménagements de la maison exposés par la victime étaient en relation directe avec l’accident et devaient être pris en charge en totalité, indépendamment de l’économie réalisée par le non-paiement d’un loyer et de la réalisation d’un placement immobilier.
Le lien de causalité direct et certain entre le dommage et l’acquisition du logement doit être caractérisé de manière particulièrement nette par la victime, laquelle, aux termes mêmes du principe de réparation intégrale et d’équivalence entre le dommage et la réparation, ne saurait tirer de l’indemnisation un profit indu.
Dans le cas contraire, le coût d’acquisition n’a pas à être assumé par le responsable (Crim., 21 juin 1995, n° 94-83.455 ; Crim., 18 mai 2005, n° 04-85.525 ; Crim., 6 octobre 2009, n° 08-87.447), par exemple lorsque sa situation de locataire n’avait pas empêché la victime d’aménager son logement et que son choix d’acquérir, avec sa compagne, une villa, était personnel (Cass. 2ème Civ., 8 janvier 2009, n° 08-12.989).
Il convient de noter que la réalisation d’aménagements du logement peut avoir une incidence sur l’évaluation de la tierce personne. En effet, l’adaptation du logement, mais aussi celle du véhicule et de façon plus large les dépenses de santé futures dans leur aspect prothèses et matériels, sont de nature à permettre à la victime de s’affranchir dans une certaine mesure de la présence de l’aide d’un tiers. A contrario, lorsque la présence d’une tierce personne 24h/24 est avérée, certains aménagements, hormis l’accessibilité intérieure et extérieure, ne sont plus justifiés (ex : aménagement de la cuisine, domotique, volets roulants électriques…).
Ainsi, c’est au cas par cas que chaque dossier d’aménagement du logement doit être étudié avec la victime et son conseil sur la base des séquelles décrites dans le rapport d’expertise et de l’environnement propre à chaque victime.